Les défis sont immenses, les attentes aussi. Même si le contexte économique et international est complexe et incertain, nous avons le devoir d'agir tous ensemble, dans un esprit de responsabilité et d'engagement, pour apporter des réponses concrètes et opérantes aux besoins de nos concitoyens.
Le premier de ces besoins, le plus central, est celui de l'accès pour tous et partout à la santé. Ministre déléguée, je suis aussi pharmacien. Or, tous les jours, au guichet de ma pharmacie, j'ai pu constater les difficultés rencontrées par les Français pour avoir accès à un médecin et se soigner correctement. Vous connaissez vous-mêmes parfaitement cette situation : il ne se passe pas un jour sans que vous autres, parlementaires, soyez interpellés par vos administrés, légitimement inquiets à ce sujet. La situation est connue et préoccupante : 6 millions de patients, dont plus de 650 000 souffrent d'une affection de longue durée (ALD), sont sans médecin traitant ; 87 % du territoire français sont aujourd'hui considérés comme une zone de sous-densité médicale ; les délais d'attente ne cessent de s'allonger ; on observe une crise des vocations et de nombreux personnels soignants ressentent une perte de sens.
Face à cette situation qui n'est pas nouvelle mais qui s'est aggravée avec la crise sanitaire, le PLFSS apporte de premières solutions, détaillées par François Braun, qui ont trait à l'installation des jeunes professionnels de santé, à la régulation de l'intérim médical ou à la rénovation de notre cadre conventionnel. Ces premières mesures ne sont qu'un début ; elles seront complétées par les travaux conduits dans le cadre du CNR santé ainsi que par la négociation conventionnelle qui s'ouvre autour de la nouvelle convention médicale et par les travaux interprofessionnels menés dans le cadre du comité de liaison interordinal (CLIO) regroupant les sept ordres des professions de santé. Nous prêterons une attention particulière à la question de la santé de nos personnels soignants, qui fait partie de nos priorités. Je tiens à cet égard à souligner l'engagement de Mme la rapporteure générale en faveur de la santé des étudiants en santé, que je partage pleinement.
Concernant les hôpitaux, le PLFSS sanctuarise leurs budgets en ne réalisant aucune mesure d'économie sur l'hôpital. Alors que celui-ci a été mis à forte contribution durant la crise et que nous devons, là encore, préparer des changements importants, ce choix, rare au cours des dix dernières années, est un marqueur fort du PLFSS, pour la deuxième année consécutive.
J'aimerais revenir sur la situation spécifique des professionnels de santé à diplôme hors Union européenne, que tout le monde connaît sous le nom de Padhue. La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation de notre système de santé a posé les bases d'un nouveau dispositif de reconnaissance de ces professionnels, en instaurant deux procédures distinctes. Pour le stock – je n'aime pas ce mot, mais c'est celui qui est employé –, c'est-à-dire pour les praticiens qui exerçaient dans nos établissements de santé avant 2019, parfois depuis longtemps, a été mise en place une procédure de régularisation pour s'assurer de leurs compétences. Pour le flux, c'est-à-dire les praticiens souhaitant venir en France depuis 2019, ont été mis en place une épreuve de vérification des connaissances et un parcours de consolidation de la pratique.
La crise sanitaire a provoqué un retard important qui affecte la procédure dite du stock et l'organisation des commissions d'autorisation, en raison de la forte mobilisation des membres des jurys et des candidats eux-mêmes dans les établissements de santé. Au 1er octobre 2022, il restait 2 400 dossiers à traiter selon cette procédure. Pour assurer leur traitement dans un délai contraint, j'ai demandé au Centre national de gestion (CNG) et à l'Ordre des médecins de renforcer les effectifs. Afin de ne pas pénaliser les praticiens pour lesquels la commission ne se réunirait qu'au premier trimestre 2023, le Gouvernement a déposé un amendement visant à reporter la date limite d'autorisation d'exercice à avril 2024. Il s'agit d'une mesure responsable, qui permet à la fois de sécuriser les praticiens et d'assurer le traitement de l'ensemble des dossiers dans un délai raisonnable.
S'agissant de la procédure dite du flux, nous avons lancé un travail de fond avec les organisations syndicales des Padhue, le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom), le CNG et les services de mon ministère afin de fluidifier les processus de traitement des dossiers. C'est un enjeu essentiel, pour les professionnels concernés comme pour l'accès aux soins. Soyez assurés que j'y consacre toute mon énergie. Je sais que beaucoup d'entre vous sont particulièrement sensibles à cette question ; je le suis également. Les travaux que nous menons avec l'ensemble des parties prenantes sont fondés sur une conviction, celle de traiter au mieux les situations individuelles, parfois difficiles, de femmes et d'hommes engagés pour notre système de santé.
À propos, là encore, du traitement de situations difficiles, je souhaite évoquer une mesure nouvelle proposée par le Gouvernement, qui répond, je le sais, à une préoccupation exprimée par plusieurs d'entre vous. Animé par une volonté de justice réparatrice, celui-ci a souhaité en effet améliorer l'indemnisation des enfants atteints d'une pathologie du fait de l'exposition professionnelle de l'un des parents à des pesticides.
Dans la continuité des travaux du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, nous nous efforçons ainsi de mieux protéger les personnes et de prendre en compte le préjudice financier et moral des parents ou des tuteurs en cas de pathologie d'un enfant résultant d'une exposition avant la naissance.
L'ambition forte qui anime ce PLFSS doit être compatible avec les exigences de soutenabilité financière de notre système, au sortir d'une crise qui a fortement dégradé la situation des comptes de la sécurité sociale. Alors que notre système est fragilisé et que des investissements importants seront nécessaires pour réaliser les transformations structurelles attendues, le renforcement de notre action en matière de lutte contre la fraude apparaît désormais comme un impératif non seulement économique mais aussi éthique, comme l'a rappelé Gabriel Attal. Dans le cadre de ce PLFSS, nous avons donc fait le choix d'une politique de lutte contre la fraude toujours plus volontariste, qui s'appuie sur de nouveaux outils pour améliorer la prévention et la détection des fraudes, mieux sanctionner et mieux recouvrer les créances en cas d'infraction avérée.
Participent de cette politique l'élargissement des possibilités de déconventionnement d'urgence des professionnels de santé en cas de violation grave des engagements conventionnels ou de préjudice financier important, l'instauration d'un nouveau barème de pénalités financières en cas de fraude ou encore la limitation des abus en matière d'arrêts maladie prescrits par téléconsultation qu'a présentée le ministre délégué chargé des comptes publics.
Face aux difficultés que rencontre notre système de santé, les Français attendent de nous des réponses. Nous n'y arriverons que tous ensemble, dans un esprit de construction et de responsabilité collective.