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Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 19 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Article 25 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Entre 2017 et 2027, la contribution de la France à l'Union européenne aura connu une augmentation de 73,7 %. Concrètement, cela veut dire que notre pays est contributeur net : il donne plus d'argent à l'Union européenne qu'il n'en reçoit sous forme d'aides, la différence étant de 9 milliards d'euros.

La France est désormais le deuxième contributeur au budget de l'Union européenne après l'Allemagne. Depuis le Brexit, et à l'heure où « chaque euro compte », selon les mots du ministre de l'économie, et où la France s'apprête à verser 24,5 milliards d'euros, j'aimerais insister sur ce terme de contributeur net. Non, l'Union européenne n'est pas un jeu à somme positive dont tout le monde bénéficierait. Oui, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler en commission, il y a une différence entre celui qui donne plus qu'il ne reçoit et celui qui reçoit plus qu'il ne donne.

En décembre 2020, l'Union européenne a approuvé un plan de relance de 750 milliards d'euros dont les emprunts sont cautionnés. Avec ce plan, on nous dit que l'Union européenne participe à la relance française puisque nous toucherons 39,4 milliards d'euros d'ici à 2026. Or, selon toutes les estimations, le remboursement de ce prêt coûtera au bas mot 70 milliards d'euros à la France, compte tenu de notre pourcentage de participation au budget européen. Cette opération est particulièrement coûteuse pour la France.

Ce constat pose une question qui reste évidemment théorique puisque nous sommes tenus au principe de la solidarité européenne et que celle-ci, on vient de le voir, a un coût. Comme cela était prévisible, la rapporteure de la commission des affaires étrangères m'a répondu qu'il fallait « sortir de la logique comptable et prendre en compte les engagements hors budget », que les bénéfices dus à notre appartenance à l'Union européenne étaient nombreux. Je veux bien, mais admettez qu'à l'heure où les Français peinent à se fournir en carburant, parfois à plus de 2 euros le litre, ils sont en droit de savoir à quoi sont exactement utilisés leurs impôts.

En effet, l'Union européenne divise nos compatriotes. N'oublions pas qu'elle n'est pas pour tous l'éden qu'on nous dépeint. Ne balayons pas d'un revers de main les 33 % de Français qui estiment que l'Union européenne engendre plus d'inconvénients que d'avantages et les 39 % qui estiment que la balance entre bénéfices et inconvénients est nulle.

Ce scepticisme se nourrit notamment de la crise migratoire que nous traversons et à laquelle l'Europe apporte trop peu de réponses concrètes, opérationnelles. Et l'argument selon lequel, grâce aux bateaux de Frontex, nos frontières côtières seraient bien gardées, a du mal à convaincre. Il reste vraiment beaucoup à faire.

Autre interrogation : ce que j'appellerais l'ingérence bruxelloise dans notre législation. Elle se résume en un chiffre : la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et la Cour de justice de l'Union européenne nous dictent 80 % de notre droit ! Dans ces conditions, il est difficile de parler de souveraineté juridique. Nous le mesurons sans cesse dans cet hémicycle, encore dernièrement avec la décision de la Cour de cassation qui, pour se conformer au droit européen, prévoit que la conservation, et a fortiori l'exploitation des données, ne peut se faire qu'en cas de menace pour la sécurité nationale. Ce ne sera pas simple pour nos enquêteurs !

L'Union européenne est traversée par une crise institutionnelle qui nécessite de s'interroger sur le mode de désignation de ses dirigeants, sur le règne de bureaucrates tatillons, de technocrates austères, de commissaires qui veulent régenter jusqu'au moindre détail de nos vies. C'est le prix à payer si nous voulons redonner des couleurs à la construction européenne – et je le souhaite !

Elle est également traversée par une crise identitaire. Je suis, je me sens européenne, profondément européenne, mais je ne partage pas l'idée de Montesquieu qui déclarait que « l'Europe est un État composé de plusieurs provinces ». Au contraire, je suis convaincue qu'il nous faut nous appuyer sur les nations qui sont la chair même de l'Europe, des nations dotées d'une identité propre qui, rassemblées, font la richesse de notre vieux continent.

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