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Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 19 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Article 25 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Il est également dérangeant de constater où vont ces dizaines de milliards d'euros qui devraient contribuer à la solidarité entre les peuples et à la bifurcation écologique. Ils servent, par exemple, une politique agricole commune qui privilégie de fait, dans le reversement de ses aides à l'hectare, les exploitations fonctionnant selon un modèle productiviste plutôt que celles qui développent tant bien que mal une agriculture raisonnée et écoresponsable.

Dans le même temps, sur d'autres sujets où le maître mot devrait être la solidarité, le constat n'est pas plus glorieux. On en a eu la récente confirmation avec Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Le bilan et les agissements de cette agence européenne censée garder nos frontières depuis 2004 ne sont pas seulement scandaleux, mais carrément inhumains. C'en est au point qu'hier, les eurodéputés ont refusé de valider les comptes de l'Agence pour l'année 2020 suite à plusieurs enquêtes accablantes sur des renvois illégaux de migrants couverts ou commis par elle, entre autres fautes graves. Le problème, c'est que, même dans le cadre d'un scandale d'une telle ampleur, le fonctionnement non démocratique de l'Union européenne fait de ce refus du Parlement européen un acte purement symbolique. Pourtant, Frontex reste l'agence dotée du plus gros budget de l'Union, budget qui ne fait qu'augmenter chaque année et a atteint 750 millions d'euros en 2022.

À l'inverse, même quand certaines initiatives de l'Union européenne semblent aller dans le bon sens, elles restent souvent symboliques ou insuffisantes. Pire, elles servent parfois paradoxalement de prétexte pour freiner des avancées à l'échelle nationale, au nom d'un principe de subsidiarité qui devient souvent un principe d'inaction.

C'est par exemple ce que nous avons connu lors des débats sur la taxation des géants du numérique. Le Gouvernement freinait ici des quatre fers sous le prétexte qu'il fallait d'abord attendre la superdécision européenne qui allait venir sur ce sujet. Résultat, en l'absence de consensus, elle n'a même pas donné lieu à une véritable mesure fiscale européenne, et nous avons finalement en France une taxation minimale, alors même que c'est bien pour faire face aux enjeux d'évasion et d'optimisation fiscales des géants du numérique, internationaux par essence, que l'échelon européen pourrait être utile.

On retrouve le même schéma aujourd'hui dans nos discussions sur la taxation des superprofits, sujet que nous ne pourrons certainement pas aborder cet après-midi…

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