En 2023, le solde commercial de la balance commerciale agricole affiche un excédent de 6,7 milliards d'euros, en recul de 3,6 milliards par rapport à l'année précédente. Cette diminution résulte principalement de la baisse des prix des céréales. Malgré cette bonne santé apparente, des disparités sectorielles importantes subsistent. Les excédents se concentrent essentiellement sur les filières des vins et spiritueux, des céréales et des produits laitiers. En revanche, le solde commercial des produits agricoles et alimentaires est en déficit de 8,5 milliards d'euros. En réalité, l'excédent commercial de notre agriculture et de notre industrie agroalimentaire diminue depuis dix ans, passant de 11,4 milliards d'euros en 2012 à 6,7 milliards d'euros l'an dernier. Nos parts de marché ont également reculé de 3 points depuis le début de l'année 2020. Nous sommes en outre, toutes filières confondues, en situation de déficit commercial vis-à-vis des autres pays européens depuis plusieurs années, atteignant 2,6 milliards d'euros en 2023. Le deuxième exportateur mondial que nous étions est désormais le sixième, derrière l'Allemagne et les Pays-Bas. La politique de montée en gamme de nos produits a bénéficié à certaines filières, à l'image des fromages bénéficiant d'une appellation d'origine protégée qui se vendent à un prix en moyenne 11,5 % plus cher que les fromages sans appellation. Cependant, dans d'autres filières, la montée en gamme conduit à des pertes de parts de marché et à une conquête du cœur de gamme de la consommation française par les importations. Le postulat selon lequel nous ne pouvons pas être compétitifs sur les prix et devons cibler des marchés de niche en haut de gamme aboutit à un recul de notre part de marché au sein de l'Union européenne. Certaines filières ont vu leur situation s'aggraver. Le déficit commercial des viandes est ainsi passé de 0,7 milliard d'euros en 2012 à près de 3 milliards d'euros en 2023. Celui des fruits et légumes est passé de 4,3 milliards d'euros en 2012 à 7,7 milliards d'euros en 2023. La filière des viandes de volaille, qui était en excédent dans les années 2000, affiche désormais un déficit de 1,23 milliard d'euros.
Le problème central que rencontre notre agriculture à l'export est celui de la compétitivité prix. Selon FranceAgriMer, notre perte de compétitivité s'explique principalement par le poids des consommations intermédiaires, telles que les fertilisants, les produits phytosanitaires et l'énergie, qui représentent près de 60 % du montant des recettes des exploitations agricoles de céréales, oléagineux et protéagineux par exemple. Certaines de nos filières sont par ailleurs marquées par un plafonnement des rendements, une décapitalisation du cheptel, voire une baisse de la production. Le nombre de vaches laitières a par exemple diminué de 400 000 têtes depuis 2015. Le solde commercial de l'agriculture française est enfin marqué par des flux croisés : nous exportons des produits bruts et importons des produits transformés. Notre déficit commercial en produits transformés avec l'Union européenne atteint 7,6 milliards d'euros, tandis que le solde commercial des produits bruts affiche un excédent de 5 milliards d'euros. La désindustrialisation affecte donc également l'industrie agroalimentaire, entraînant des délocalisations. Les travaux de la Cour des comptes révèlent que les industriels français transforment presque autant de lait en France qu'à l'étranger : ils transforment l'équivalent de 24 milliards d'euros de lait en France et 20 milliards d'euros de lait à l'étranger alors que les industriels allemands transforment 6 fois plus de lait en Allemagne par rapport à leurs activités de transformation à l'étranger.
En matière de soutien aux exportations agricoles, en plus des conseillers mobilisés par Business France, 47 millions d'euros de garanties sont accordées par BPIfrance pour les contrats d'export et 8 millions d'euros de crédits budgétaires sont mobilisés par le ministère de l'Agriculture pour soutenir l'export au travers de SOPEXA et Business France. Par ailleurs, 6,4 milliards d'euros d'allègements de cotisations sociales et1,63 milliard d'euros de dépenses fiscales contribuent au soutien de la compétitivité des exportations agricoles. Si nos performances à l'export dépendent principalement de la compétitivité de nos produits, il me semble pertinent de réintroduire des outils tels le chèque relance export ou d'augmenter le budget de l'assurance-prospection pour aider les producteurs dont la surface financière est limitée et qui ont besoin d'un soutien pour trouver des importateurs et stabiliser leur modèle d'affaires.
Cela dit, sans abandonner la stratégie de montée en gamme pour les filières où elle permet d'accumuler des excédents à l'export, la priorité doit être d'améliorer cette compétitivité. Dans les filières les plus intensives en main-d'œuvre comme les fruits et légumes, il serait pertinent d'envisager l'extension du dispositif TO-DE aux salariés permanents. La réduction du coût du travail constitue également un enjeu majeur pour l'industrie alimentaire.
Par ailleurs, alors que les rendements plafonnent dans de nombreuses filières, je doute de la pertinence d'imposer des objectifs de réduction de pesticides aussi drastiques que ce que prévoyait la proposition de règlement « SUR », abandonné depuis, et le pacte vert européen, qui vise une diminution de 50 % des usages de pesticides. Dans une étude publiée en 2021, le centre commun de recherche de la Commission européenne avait anticipé une baisse de production de 10 à 15 % si cet objectif était imposé. Ces études sont à prendre avec précaution mais il faudra rester vigilant quant aux législations européennes qui pourraient prendre le relais de ce règlement.
Enfin, je souhaite aborder la nécessaire protection des producteurs agricoles. L'Union européenne a signé, à mes yeux légèrement, des traités de libre-échange désavantageant certaines filières, à l'exemple de l'accord euro-méditerranéen signé en 1996 avec le Maroc. En conséquence, nous importons un tiers des tomates fraîches consommées en France et près de 85 % des tomates transformées. De même, la levée des dernières barrières tarifaires avec l'Ukraine nous met en concurrence avec des filets de poulet ukrainiens produits dans des fermes-usines à un coût de trois euros le kilo.
L'Assemblée a voté une résolution demandant au Gouvernement d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi visant à la ratification du traité de libre-échange avec le Canada. Quand allez-vous le faire ? Si l'Assemblée nationale rejette cette ratification, comme l'a fait le Sénat, allez-vous notifier à la Commission européenne le refus français de ratifier cet accord ? Plus largement, quelle est la stratégie du Gouvernement pour redresser notre déficit commercial vis-à-vis de l'Union européenne, notamment concernant les filières les plus en difficulté ?