La dépense budgétaire relative à la compensation carbone est évidemment financée par les recettes du dispositif d'échanges de quotas d'émission. Cette dépense budgétaire significative constitue un élément clé pour réconcilier économie et écologie, en nous assurant que nous pouvons continuer à croître, y compris dans les industries traditionnelles, tout en garantissant la décarbonation de ces industries, le développement des industries vertes, ainsi qu'une compétitivité raisonnable de nos industriels et de nos entreprises.
En 2023, les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 5,8 % par rapport à 2022, notamment dans les secteurs énergétique et industriel. L'objectif de réduction de 5,3 % par an a même été dépassé cette année. Une partie de ces résultats positifs découle de la transformation en profondeur de notre appareil productif, des efforts des entreprises en matière de sobriété et d'efficacité énergétique, ainsi que de la mise en place d'industries plus économes et plus vertes pour l'avenir.
Le marché du carbone est un outil essentiel dans la décarbonation de l'industrie européenne. Il repose sur le système d'échanges de quotas d'émission européen (SEQE ou ETS en anglais), mis en place en 2009 et rendu réellement efficace à partir de 2018 grâce à la suppression de l'excès de quotas attribués gratuitement. Près de 1 000 sites industriels en France sont concernés par ce dispositif. Celui-ci se répercute sur les prix de l'électricité, entraînant un surcoût pour nos industriels, alors que l'électricité représente une part importante de leurs coûts : 11 % pour les aciéries électriques, 35 % pour l'aluminium, et trois quarts des coûts pour l'hydrogène décarboné. Face à ce surcoût, l'État a mis en place une compensation des coûts indirects, une aide essentielle pour les sites industriels électro-intensifs exposés aux risques de fuite de carbone. Cela concerne environ 300 bénéficiaires en France. J'ai personnellement signé des contrats de décarbonation avec ces entreprises, les engageant à réduire leurs émissions d'au moins 40 % d'ici 2030 et à les éliminer totalement d'ici 2050. Concrètement, l'État rembourse une partie du surcoût qui ne peut pas être répercuté dans les prix de vente. Le double objectif du dispositif est clair : réduire le risque de délocalisation hors de l'Union européenne et décarboner l'industrie en assurant un bon rapport coût-efficacité. La décarbonation de l'industrie, qui représente le coût le moins important par tonne de carbone évité, est ainsi bénéfique pour la planète et pour l'emploi. Bien que cela représente un investissement important, nous encourageons l'électrification des procédés industriels et la réduction de la consommation énergétique, avec l'objectif de garantir la compétitivité des industries. À long terme, nous offrons de la visibilité avec la compensation carbone, en mettant en place des guichets de soutien à l'électrification pour accompagner la transformation des industries. La compensation des coûts indirects revêt donc une importance majeure pour la compétitivité, pour l'emploi et pour la pérennité.
La Commission européenne a ciblé quatorze sous-secteurs spécifiques. Le montant alloué dépend principalement du prix du quota carbone et du facteur d'émission attribué à chaque entreprise concernée. Les crédits sont intégrés au programme 134. En 2023, la consommation des crédits a été légèrement inférieure à la ressource en raison de la révision à la baisse du facteur d'émission français. Cette dépense a été multipliée par 8,5 entre 2016 et 2023, principalement en raison de la hausse du prix du quota carbone, reflétant ainsi un dynamisme des recettes tout aussi important. Cette dépense est destinée à augmenter, car elle est directement liée à la hausse du prix de la tonne de carbone. Cette augmentation sera systématiquement compensée par une augmentation des recettes au moins équivalente, puisque les deux dispositifs reposent sur la même base. Les dépenses sont largement inférieures aux recettes du SEQE, avec des recettes de 2,1 milliards d'euros en 2023 contre des dépenses d'un peu moins de 800 millions d'euros. La compensation représente généralement un tiers des recettes, le reste abondant le budget général, ce qui en fait un nouvel impôt de production. La compensation est ainsi le seul retour partiel du SEQE en faveur de l'industrie.
Nous sommes convaincus que les recettes du SEQE doivent être utilisées au service de la décarbonation de l'industrie. La compensation carbone, qui pèse très peu sur les finances publiques, notamment par rapport à ce qu'aurait coûté la fuite des industriels, doit être maintenue et prolongée.
Il faut cependant prendre en compte l'évolution du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Actuellement, nous taxons de manière expérimentale les produits en provenance de l'étranger en fonction de leur contenu carbone, mais uniquement pour des produits de base. Si nous parvenons à étendre ce MACF aux produits finis et semi-finis, ce que la France portera devant la prochaine Commission, la contribution sera beaucoup plus efficace. Cette extension sera demandée par la France en 2026. Nous traiterons également les enjeux de fuite aux exportations que vous avez mentionnés. Une entreprise qui importerait des produits carbonés de l'extérieur et les transformerait pour les exporter vers des marchés qui n'ont pas le MACF se retrouverait en déficit de compétitivité, qu'il faut pouvoir compenser.
Le MACF, qui constitue une importante victoire pour la France, est un excellent système. Cependant, il nécessite d'être complété et approfondi par la prochaine Commission. En attendant, je vous le confirme, nous soutiendrons le maintien de la compensation carbone pour garantir la compétitivité de nos entreprises.
Nous utiliserons également les nouveaux produits mentionnés, notamment les contrats pour la différence, pour la régulation de l'hydrogène et de la capture de carbone, en lien avec la préférence européenne. Nous avons déjà commencé à mettre en œuvre cette approche dans le règlement NZIA ( Net-Zero Industry Act ) pour les industries vertes, permettant d'intégrer dans leurs appels d'offres des critères carbone, de souveraineté et de résilience des chaînes d'approvisionnement. Nous appliquons déjà ces principes en adoptant des crédits pour l'industrie verte, notamment pour les secteurs du photovoltaïque, de l'éolien, des pompes à chaleur et des batteries électriques. De plus, les marchés publics seront de plus en plus orientés vers des critères de prix et des critères hors-prix, intégrant davantage les enjeux de résilience et de contenu carbone.