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Intervention de Xavier Roseren

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 21h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Roseren, rapporteur spécial :

A titre liminaire, je souhaite vous faire part des motivations qui m'ont conduit à retenir ce sujet . L'enjeu budgétaire a tout d'abord suscité mon attention. En 2016, cette dépense s'élevait à 96 millions d'euros, contre 1 074 millions d'euros aujourd'hui, soit une dépense multipliée par 12 en seulement neuf ans. D'autre part, les différents rapports sur le climat, notamment ceux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), révèlent une ambiguïté entre l'activité industrielle et la préservation de l'environnement, l'industrie étant souvent accusée de tous les maux. En aidant les entreprises, nous pourrions sembler aller à l'encontre de la réglementation environnementale européenne que nous avions collectivement décidée. Cependant, le système d'échanges de quotas d'émission de notre marché européen du carbone entraîne des répercussions sur le prix de l'électricité pour nos industriels. Il est donc essentiel de soutenir les industries électro-intensives, telles que la sidérurgie, l'aluminium, ou encore la fabrication du papier et du carton. Ces secteurs, caractérisés par une forte concurrence internationale, risquent de subir un surcoût carbone alors que leurs principaux concurrents commerciaux ne sont soumis à aucune réglementation équivalente. Ne pas les soutenir nuirait à la compétitivité de notre industrie.

Les auditions menées et les recherches effectuées m'ont convaincu de la grande nécessité de ce dispositif. La compensation carbone a été introduite en 2016 par le Gouvernement pour soutenir les industriels exposés à un risque de fuite carbone, en raison des coûts de quota carbone contenus dans l'électricité. La fuite de carbone désigne le départ d'une entreprise vers un pays hors Union européenne offrant des conditions plus favorables. Il est ainsi impératif de maintenir ce dispositif pour préserver la compétitivité de nos industries tout en respectant nos engagements environnementaux. Si la dépense budgétaire de compensation carbone a progressivement augmenté, il est essentiel de ne pas confondre cette évolution avec une gestion dispendieuse ou excessivement interventionniste de l'État. Le montant de cette compensation est principalement déterminé par le prix du quota carbone, lequel dépend de l'offre et de la demande des entreprises européennes sur le marché, ainsi que du plafond légal des émissions annuelles décidé par la Commission européenne. En 2019, le prix du carbone sur le marché européen était de 5,88 euros la tonne de CO2, tandis qu'en 2024, il est estimé à environ 83 euros la tonne. Il est donc naturel de constater une augmentation proportionnelle du montant de la compensation.

La compensation carbone n'est pas une incitation à polluer. Les chiffres et études indiquent que les industries électro-intensives exposées au surcoût du carbone ont réduit leurs émissions de 6 % à 21 % en moyenne, selon les années, depuis l'introduction du système d'échanges d'émission. D'un point de vue économique, cette réglementation a engendré des effets vertueux. Les entreprises soumises au système se sont révélées plus productives.

Je suis également convaincu du bien-fondé de la compensation carbone en raison des informations fournies par les administrations et les industriels du secteur, qui s'accordent à souligner le caractère vital de cette mesure. Dans une période où l'État cherche à rationaliser ses dépenses, il est impératif de préserver la compensation carbone, d'autant plus nécessaire que nous traversons une phase de grande transition en matière de politique environnementale carbone en Europe. La réindustrialisation et l'indépendance stratégique qui en découlent sont la priorité de l'Union européenne. Cependant, cette orientation politique implique des changements majeurs pour nos industriels. Tout d'abord, le système d'échanges de quotas d'émission a été réformé. Jusqu'en 2034, la part des quotas gratuits alloués aux entreprises pour leurs émissions carbone va décroître. Nos industries seront donc privées d'une partie du soutien économique dont elles bénéficiaient depuis 2005. Deuxièmement, depuis 2023, le mécanisme de taxe carbone aux frontières est entré en vigueur, suscitant des inquiétudes profondes chez les industriels et au sein des administrations publiques. Théoriquement, la taxe carbone aux frontières est un outil formidable, en ce qu'elle permet de soumettre les industries extra-européennes à des ambitions environnementales élevées afin de réduire durablement et globalement les émissions de gaz à effet de serre. Dans les faits pourtant, ce mécanisme risque de connaître des contournements réglementaires, désavantageant ainsi nos industriels. Ce désavantage pourrait se manifester aussi bien à l'import qu'à l'export, et serait doublement préjudiciable à notre industrie.

Enfin, il me semble nécessaire de mener dès aujourd'hui un important travail prospectif sur les dispositions de soutien qui pourraient être instituées dans l'hypothèse malheureuse où la compensation carbone disparaîtrait. Parmi les éventualités esquissées dans mes travaux, j'ai souhaité en retenir principalement deux. Tout d'abord, la mise en place de contrats carbone pour la différence, qui permettraient aux bénéficiaires de réduire l'impact de la volatilité du prix du carbone, diminuant ainsi le risque lié à la mise en œuvre de procédés industriels innovants et décarbonés. Des réflexions sont en cours avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la direction générale des entreprises (DGE) et l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) sur la mise en œuvre de ces contrats carbone. Il me semble également essentiel de soutenir nos industriels européens par une préférence européenne en matière de marché public. L'idée d'un « Buy European and Sustainable Act » commence à prendre de l'ampleur dans les cercles de réflexion européens sur les questions climatiques, car il serait de nature à soutenir les segments verts de notre industrie.

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