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Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe :

Permettez-moi d'abord de me réjouir que l'Assemblée nationale reste fidèle à cette tradition du printemps de l'évaluation. En effet, aux termes de l'article 24 de notre constitution, le parlement vote la loi, contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Je suis donc très heureux de me trouver devant vous pour l'évaluation de l'exécution du prélèvement sur les recettes de l'État en faveur de l'Union européenne, qui nous offre l'occasion d'échanger sur le rôle du budget européen.

Tout d'abord, le budget européen permet de financer ce que la France n'a pas intérêt ou ne pourrait pas financer seule. En finançant des réponses européennes face à l'agression russe en Ukraine, nous sommes donnés les moyens d'agir, en Européens, en faveur de nos priorités géostratégiques et pour notre défense. Avec la création du fonds européen de défense en 2021, sur proposition française, nous finançons la recherche et le développement de programmes industriels transnationaux dans le domaine de la défense. Ce fonds a même été surexécuté en 2023. Je pense également à l'adoption de la facilité pour l'Ukraine et déplore d'ailleurs que la délégation du Rassemblement national au Parlement européen n'ait pas voté ces textes essentiels pour notre soutien à l'Ukraine.

Grâce au budget européen, nous finançons également notre réponse au défi migratoire, par exemple dans le cadre notre coopération via l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). De même, dans le domaine de la sécurité civile, nous avons intérêt à utiliser le budget européen. Nous pouvons ainsi mutualiser notre flotte d'avions de lutte anti-incendie. Nous avons agi ainsi au mois de mars en achetant, avec le budget européen, douze nouveaux avions. Un exemple plus récent concerne la mobilisation de pompiers slovaques, tchèques et hollandais en renfort des pompiers qui, dans le Pas-de-Calais, ont contribué à porter secours aux populations inondées. Il convient également de citer, pour coordonner notre politique spatiale dans le domaine des satellites, l'action de l'Union européenne avec le programme Galileo.

Il existe aussi des moments où nous gagnons à ne pas financer seuls nos besoins. La crise sanitaire en est un exemple. Face à une crise sanitaire sans précédent, agir conjointement en Européens nous a permis d'être plus résilients. Le plan de relance a constitué une réponse historique permettant de démultiplier nos capacités de réaction. Il a permis d'éviter un effondrement de l'investissement public et l'activité économique a retrouvé ses niveaux d'avant la pandémie. De même, le chômage est tombé à des niveaux historiquement bas, environ 6 % en moyenne. Dans notre pays, cela s'est traduit de manière concrète dans le cadre du plan France relance. Nous avons aidé 430 000 jeunes à s'insérer dans la vie professionnelle grâce au contrat d'apprentissage et de professionnalisation. Près de 2 000 bâtiments publics et 40 000 logements sociaux bénéficient d'une rénovation énergétique financée grâce à l'Europe.

Ce budget contribuant à financer des biens publics européens, il appelle en retour des recettes européennes. Tel est le sens du message du Président de la République qui a appelé dans son discours de la Sorbonne à créer de nouvelles ressources propres. Nous soutenons le fléchage vers le budget européen des recettes du mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières, d'une partie des recettes du système européen des « quotas carbone », d'une taxe européenne sur les transactions financières, ou encore l'utilisation des ressources issues de la taxe payée par les ressortissants extracommunautaires lorsqu'ils entrent sur le sol de l'UE. En effet, de nouvelles ressources propres permettront d'éviter une hausse de nos contributions nationales, mais également de sortir de la logique délétère d'examen des taux de retour.

Deuxièmement, le budget européen représente l'une des pièces de la construction d'un espace économique intégré et stable, dont nous bénéficions. La France est un contributeur clé du budget européen. Dans le même temps, elle bénéficie, en 2022, de près de 25 milliards d'euros de crédits européens, mais l'importance stratégique de ces financements appelle à sortir d'une approche strictement comptable. Cette approche ne traduit pas en effet l'intégralité des bénéfices économiques et budgétaires de l'appartenance à l'UE, et notamment au marché interne.

En 2023, le marché unique regroupe vingt-sept pays, vingt-trois millions d'entreprises et près de 450 millions d'habitants, ce qui en fait le plus grand marché développé au monde. Les bénéfices que la France tire de ce marché unique sont cinq fois supérieurs à sa contribution au budget européen. Ils sont estimés à 124 milliards d'euros par an pour la France par la Commission européenne. En effet, le marché unique contribue à la hausse du commerce entre pays européens et plus de la moitié des exportations françaises se réalisent avec le reste de l'Union européenne. De même, les exportations représentent 20 % des emplois français. Mais le marché unique permet aussi des gains de croissance. Une étude du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) de 2018 montrait ainsi que l'appartenance à l'Union européenne (UE) générait un gain de 3,4 % de PIB pour la France, soit de l'ordre de 90 milliards d'euros par an.

Pour mesurer l'impact de l'appartenance à l'Union européenne sur ces bénéfices économiques et budgétaires, il importe de se tourner vers les pays qui ont rejoint l'UE ou ceux qui l'ont quittée. Les pays ayant rejoint l'Union européenne ont bénéficié ainsi d'importants gains de croissance. Depuis 2004 et leur entrée dans l'Union, les pays d'Europe de l'Est ont vu leur PIB multiplié par trois. Concrètement, l'entrée dans l'UE s'est traduite par des gains moyens de 1 000 euros par habitant et par an pour les citoyens des nouveaux États membres, selon les estimations de Basile Grassi. S'ils n'avaient pas rejoint l'Union européenne, il est établi qu'ils seraient 25 % moins riches qu'aujourd'hui. À l'inverse, le Brexit a représenté un coût important pour les Britanniques, qui ont vu leur richesse reculer de 15 % par rapport à celle des Européens. Le PIB par tête au Royaume-Uni a perdu 3 000 euros depuis la signature des accords. En résumé, grâce à cette cohésion, nous avons accès à un marché unique intégré et prospère, qui rejaillit de manière très bénéfique sur les citoyens français.

Troisièmement, je souhaite évoquer l'exécution en 2023 du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union, qui est inférieur aux prévisions de la LFI. Nous pouvons nous féliciter des bons résultats dans la mobilisation du plan de relance européen depuis trois ans, qui est venu s'ajouter aux financements traditionnels. Ces financements soutiennent particulièrement la transition écologique et la transition numérique. La France bénéficiera ainsi de plus de 40 milliards d'euros de subventions, dont la troisième tranche de 7,5 milliards d'euros sera versée dans les prochains jours. Nous aurons ainsi reçu 75 % des fonds de notre enveloppe, ce qui nous place en tête de peloton des pays européens sur l'exécution du plan de relance européen.

Des progrès sont évidemment possibles pour mieux mobiliser l'argent encore disponible dans le domaine de la politique de cohésion. S'agissant des fonds sous gestion directe de la Commission, le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne de 2023 est actuellement sous-exécuté. Cela s'explique notamment par des retards dans la mise en œuvre de la politique de cohésion, que nous avons bien identifiés. Une stratégie de mobilisation des fonds européens a d'ailleurs été entreprise par le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE). Je souhaite désormais l'appuyer au niveau politique, afin que nous bénéficiions de tous les crédits européens encore disponibles.

Par ailleurs, ce retard en exécution s'explique également par la complexité d'accès aux fonds en gestion directe par la Commission européenne. Avec le SGAE, nous sommes en train de mettre en place un accompagnement des porteurs de projets susceptibles d'accéder à ces fonds, mais qui ne les sollicitent pas encore. Enfin, je demande à la Commission européenne de mener un travail de simplification drastique des procédures d'accès à ces fonds. Ils doivent être plus lisibles et accessibles.

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