Monsieur le rapporteur, vous avez notamment évoqué un débat politique, qui porte sur notre capacité à flécher et à organiser notre APD. En réalité, notre aide est aussi évaluée en fonction de son efficacité, de sa pertinence, de son urgence et de nos priorités diplomatiques, dans le cadre d'un écosystème régional. Parfois, certains pays sont clés, car nous avons besoin de les stabiliser dans leur environnement régional. Au-delà de ces pays priorisés, il existe également des pays d'avenir, sur lesquels nous devons miser, comme le Guyana.
S'agissant du Maghreb, le Maroc fait l'objet d'attentions. Un agenda diplomatique doit ainsi être doublé par un agenda d'investissements dans la zone. Proparco interviendra à ce titre de manière plus prononcée dans ce pays. Quoi qu'il en soit, nous travaillons à partir d'un certain nombre de critères, qui ne se limitent pas au développement ou à la pauvreté de tel ou tel pays.
Ensuite, vous m'avez interrogé sur le redéploiement de la stratégie. Selon moi, cette stratégie doit être visible et légitime en matière de solidarité internationale. Les sept dernières années ont été celles d'une montée en puissance de notre dispositif : en 2017, les crédits budgétaires dédiés à l'APD s'élevaient à 3,5 milliards d'euros ; ils sont de 5,6 milliards d'euros en 2024. Nous sommes au rendez-vous des objectifs et le programme 209 a vu ses crédits passer de 1,6 milliard d'euros à 3,4 milliards d'euros sur la même période.
L'effort est bien réel et nous offre des marges de manœuvre, pour établir d'autres critères. Pour ma part, je crois beaucoup au pilotage politique de l'aide au développement, qui ne doit pas se limiter à des critères fixes : il faut être agile, notamment grâce à des petits montants, mais aussi des actions bilatérales, dans le but de rendre notre action à la fois efficace et identifiable.
Dans ce cadre, la France agit en solidarité avec les pays qui traversent des crises. Elle établit des partenariats dans toutes les régions du monde et nous devons nous servir de l'aide au développement pour établir des partenariats scientifiques, culturels et économiques. Face aux grands défis mondiaux, les solutions doivent aussi être trouvées à l'échelle mondiale. Nous devons être inventifs et réfléchir aux nouveaux modes de partenariat, par exemple avec des expatriés français, qui créent de la richesse et offrent une réelle expertise. À ce titre, il nous faut également humaniser nos relations, notamment avec les sociétés civiles locales, mais aussi les entrepreneurs et les petites structures.
Les activités menées par l'AFD en matière de dons permettent d'établir avec des pays un dialogue ambitieux, sur des politiques et des réformes sectorielles importantes. La politique des grands fonds est très utile et ces engagements internationaux doivent être tenus, mais nous y perdons parfois en initiative. Les activités de prêt de l'Agence permettent également de renforcer nos partenariats en contribuant au financement de projets structurants dans les pays. Les problématiques de terrain sont évidemment différentes selon les pays, mais cela ne signifie pas que nous privilégions des montants en fonction des priorités politiques. Il existe des dispositifs très différents, qui répondent à des aspirations différentes et à des objectifs diplomatiques français différents.
La hausse de nos moyens s'est également traduite par un engagement renforcé au niveau multilatéral, afin de répondre aux grands défis mondiaux, notamment dans le domaine climatique ou celui de la santé. À ce titre, le Covid Act a permis de renforcer l'accès aux vaccins contre la covid dans un certain nombre de pays en développement. Dans le domaine climatique, nous portons des propositions ambitieuses et la France est le quatrième pays contributeur au fonds vert pour le climat. Nous faisons porter nos priorités sur ces grands fonds, mais également dans les domaines de l'éducation, de la protection de l'environnement, de l'égalité femmes-hommes, qui constituent des objets qualitatifs.
En conclusion, notre montée en puissance a permis à la France de peser dans les discussions internationales. L'augmentation de notre contribution à l'APD constitue un atout incroyable pour la diplomatie française lors des négociations climatiques, des discussions sur la réforme de l'architecture financière mondiale, des résolutions de crise et dans la poursuite des objectifs importants pour notre action internationale. Pour toutes ces raisons, je défends l'ensemble de nos dispositifs, en priorisant un certain nombre d'agilités et de rapports au terrain. Il me semble à ce titre crucial de tirer des leçons de ce qui s'est passé au Sahel ou dans un certain nombre d'autres pays et d'adapter notre offre et notre aide au développement.