En réponse à ma collègue Marie-Christine Dalloz, je tiens à préciser que l'ensemble du groupe AFD regroupe à peu près 4 500 personnes.
L'aide publique au développement a atteint 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022. En dépit de l'existence de critères communs établis par l'OCDE, je crains qu'à certains moments, nous ne minorions notre aide par rapport à celle, par exemple, des Britanniques, notamment en matière d'asile au profit des réfugiés ukrainiens. J'en profite pour réitérer mon regret que nous ne disposons pas du rapport de l'IGF sur l'effort financier au profit de l'Ukraine.
Ensuite, l'APD peut être octroyée dans un cadre bilatéral ou multilatéral. De fait, le multilatéral prend une part conséquente en raison de nos engagements internationaux, que nous devons tenir. Je redoute donc qu'à chaque réduction de budget, le bilatéral ne devienne une victime collatérale. Certains pays étrangers font preuve de malignité et sont engagés dans un processus de « bilatéralisation » de leur aide multilatérale : ils essaient d'orienter les fonds multilatéraux vers les pays avec lesquels ils souhaitent développer leurs relations bilatérales. Certains le font systématiquement, comme les Anglais et les Allemands. Il ne serait pas inopportun de réfléchir à en faire de même, d'une manière ou d'une autre.
La question des relations bilatérales me permet de faire le lien avec un sujet sensible : le rapport entre l'aide publique et le développement et le phénomène migratoire. Il y a quelques années, les réponses étaient très idéologiques et l'AFD se refusait de traiter ce sujet. Désormais, cela commence un peu à changer. Le problème s'est posé de manière précise pour l'aide publique au développement à destination du Maghreb, et en particulier la Tunisie, un pays qui n'est pas simplement un pays de migration, mais aussi un pays de transit. À ce titre, il peut donc exercer une forme de pression sur la France.
Troisièmement, le décret de février 2024 établit une baisse de 11,8 % en AE et de 12,5 % en CP. Le budget de l'aide projet, pourtant au cœur des missions de l'AFD, va également diminuer dans des proportions de 125 millions d'euros, soit 10 %. Les Anglais ont effectué des coupes, mais ils les avaient également planifiées au préalable, ce qui n'est pas notre cas. À un moment donné, il nous faudra être plus explicites. Dans ce cadre, je souhaiterais que la provision pour crises soit préservée. Une fois de plus, j'insiste sur le centre de crise et de soutien, qui effectue un travail remarquable. Nous sommes l'un des pays dont la capacité de réaction immédiate est la meilleure lors de ces crises.
Par ailleurs, je souhaite évoquer un pays qui n'a pas été cité aujourd'hui, Haïti. En Haïti, pays francophone, la moitié de la population est en péril alimentaire, quand nos aides d'urgence et alimentaires à destination de ce pays ne dépassent pas les 2 millions d'euros, soit un montant ridicule. Nous devons changer totalement de dimension vis-à-vis d'Haïti.
Un autre sujet sensible est constitué par les dépenses vertes. Je ne nie certainement pas l'importance du dérèglement climatique. Mais certains pays estiment avoir une chance de développement dans les énergies fossiles et s'interrogent sur notre discours. Ils se demandent, avec raison, pourquoi, puisque nous avons construit notre développement au fil des siècles grâce aux énergies fossiles, ils devraient en être privés. De fait, le développement pétrolier du Sénégal se fera sous l'égide de BP et non d'une entreprise française.
Par ailleurs, la mise en avant du sujet climatique modifie les priorités géographiques. En effet, dans ce domaine, les grands enjeux concernent des pays qui sont les plus aisés au sein des pays en voie de développement. Maurice fait partie de ces pays. Depuis 2006, Maurice, dont la population est de 1,2 million d'habitants a été aidé à hauteur d'environ 700 millions d'euros par l'AFD. Dans la même zone, Madagascar, pays de vingt-neuf millions d'habitants, au niveau de vie misérable, a été aidé à hauteur de 520 millions d'euros sur la même période. À un moment donné, ne faut-il pas hiérarchiser notre aide en fonction de critères majeurs ?
Ensuite, laissez-moi vous faire part de mon inquiétude concernant l'Afrique. Nous avons été chassés de trois pays au Sahel, mais je crains que le recul de la France ne concerne pas uniquement les services de l'État, mais également les entreprises françaises. J'en veux pour preuve notamment la vente des activités africaines de Bolloré, présent dans presque tous les ports africains, à une société étrangère. Traditionnellement, la BNP et la Société Générale étaient particulièrement présentes en Afrique, mais elles sont en train d'y vendre leurs agences. À bien des égards, nous ne nous donnons pas les moyens de concourir au développement de l'Afrique.
Par ailleurs, je tiens à insister sur deux pays où nous sommes insuffisamment présents, mais qui attendent une plus grande implication de notre part : le Cameroun et la République démocratique du Congo (RDC). Le Cameroun est un pays pauvre, mais la demande de France y est réelle. La RDC est quant à elle le premier pays francophone du monde.
L'Afrique en totalité représente 38 % de notre APD, mais je devrais plutôt parler des « Afriques » : notre APD en direction de l'Afrique subsaharienne francophone est de plus en plus marginale. Je fais partie de ceux qui ont regretté l'abandon en 2021 du critère des dix-neuf pays prioritaires, qui comportait dix-huit pays africains et Haïti, pour retenir un autre indicateur, celui des pays les moins avancés.