Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui, dans le cadre du printemps de l'évaluation, pour échanger sur le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans un contexte géopolitique qui mobilise notre diplomatie sur de nombreux théâtres. Il me semble très important de pouvoir nouer cet échange avec vous sur l'efficacité du pilotage de ce budget et de notre politique diplomatique, à la mesure des crédits qui nous sont confiés.
En 2023, mon ministère a pleinement été mobilisé, notamment sur les crises, à travers la poursuite de notre soutien à l'Ukraine, mais aussi notre réponse aux crises humanitaires dans les pays du Sahel. Je pense également au Soudan, qui subit une crise terriblement oubliée d'un point de vue médiatique, mais qui nécessite également que l'on puisse s'y intéresser ; à la République démocratique du Congo (RDC) ou à la bande de Gaza. Je pense enfin à notre appui aux pays touchés par des catastrophes naturelles.
Notre diplomatie a agi pour faire peser la voix de la France dans les discussions internationales portant sur les grands défis mondiaux. Je pense notamment à la COP28 de Dubaï, mais également au Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, une séquence très importante organisée par le Président de la République en juin 2023, qui a rassemblé un grand nombre de pays au soutien de cette initiative française.
L'année 2023 a aussi été marquée par la visite historique du Président de la République, le 16 mars 2024, au Quai d'Orsay. Devant l'ensemble des agents, il a rappelé son souhait que le ministère conforte son rôle de pilotage de l'action de l'État à l'international, ainsi que les fondements d'une réforme en cinq axes : une diplomatie plus agile dans un monde en recomposition permanente ; une diplomatie des biens communs ; une diplomatie des partenariats ; une diplomatie au service des Français et, enfin, une diplomatie des talents, grâce à la formation et à la gestion des ressources humaines.
L'année 2023 a donc marqué un tournant pour le ministère, avec notamment la fin de la baisse de nos moyens et de nos effectifs, qui avait été continue depuis l'année 2000. Une nouvelle dynamique s'est donc amorcée pour renforcer le Quai d'Orsay dans son rôle stratégique de pilotage et de coordination de la politique internationale de la France. Ces avancées très importantes au service des intérêts de la France à l'étranger nous permettent également une montée en puissance de notre action.
La mission Action extérieure de l'État a bénéficié en loi de finances initiale (LFI) de 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), dont 1,1 milliard d'euros consacré à la masse salariale. En 2023, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » a vu ses crédits hors rémunération augmenter de 78 millions d'euros, soit une hausse de 6,3 %. Ces moyens nouveaux ont été déployés en fonction des priorités liées à l'actualité internationale et des contraintes pesant également sur le fonctionnement du ministère. Les moyens de la direction de la communication et de la presse ont été augmentés de 2,2 millions d'euros pour lutter plus efficacement contre la manipulation de l'information, et notamment le développement du narratif anti-français, en particulier en Afrique. Je crois que nous y sommes tous ici très sensibles.
Les contributions internationales et européennes ont augmenté de 46 millions d'euros, principalement en raison de l'effet de change. La contribution de la France au mécanisme de facilité européenne de paix (FEP) a été budgétée à 68 millions d'euros. Il faut également noter l'augmentation du budget général de l'Otan, qui a impliqué une hausse additionnelle de la contribution française de 3,7 millions d'euros par rapport à la trajectoire initiale. Notre contribution au Conseil de l'Europe a été également rehaussée de 4,8 millions d'euros, afin de compenser le retrait de la Russie de cette institution.
De nouveaux moyens ont bénéficié à la direction du numérique, qui a enregistré une hausse de 4,4 millions d'euros de son budget s'établissant à 52 millions d'euros, afin de moderniser et de sécuriser nos équipements face aux risques de cyberattaques. Ensuite, les crédits de fonctionnement de toutes nos ambassades ont été portés à 108,7 millions d'euros, afin de tenir compte aussi de l'effet de l'inflation.
La mesure la plus importante a concerné les crédits pour l'entretien lourd à l'étranger, qui ont été augmentés de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 8,5 millions d'euros en CP. Cette rebudgétisation progressive des dépenses immobilières vise en effet à assurer l'entretien minimal de nos emprises. Je rappelle que le ministère est affectataire de plus de 1 800 biens de l'État dans 160 pays dans le monde. Une grande énergie a été déployée pour trouver les moyens d'entretenir ces biens, en dehors de leur vente et je crois pouvoir dire que nous sommes désormais sur la bonne trajectoire. Dans un monde où nos intérêts sont toujours plus attaqués, les moyens pour la sécurisation de nos emprises diplomatiques ont crû de 5 millions d'euros en AE et de 3 millions d'euros en CP.
Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » a vu ses crédits baisser de 930 000 euros, hors dépenses de personnel, soit une légère baisse de 0,66 % par rapport à 2022. En réalité, il s'agit d'une diminution en trompe-l'œil, car elle portait exclusivement sur la ligne « élections » qui a servi aux élections présidentielles et législatives. Si l'on fait abstraction de cet élément, le budget du programme 151 a progressé de près de 12 millions d'euros en 2023. Il a bénéficié notamment d'une augmentation des dotations allouées aux services publics consulaires de 1,1 million d'euros, afin de soutenir le déploiement de nos dispositifs « service France consulaire ».
Les aides sociales ont également augmenté de 1 million d'euros. Vous aurez l'occasion de revenir sur tous ces sujets consulaires avec le ministre délégué Franck Riester. Enfin, le montant dédié aux bourses scolaires a connu une hausse de 10,23 millions d'euros et s'établit aujourd'hui à 105 millions d'euros. L'enveloppe a ainsi retrouvé son niveau de 2021, après une baisse. Grâce au reliquat de trésorerie de l'association pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), 114 millions d'euros ont pu être consacrés aux familles et aux enfants français ayant besoin de notre soutien financier dans les réseaux et les écoles françaises.
Le programme 185, « Diplomatie culturelle et d'influence », a vu, une nouvelle fois, ses ressources hors dépenses de personnel s'accroître de 11 millions d'euros par rapport à 2022, pour s'établir à 171 millions d'euros. Le montant de la subvention octroyée par l'AEFE a bénéficié d'une augmentation de 30 millions d'euros afin de financer d'une part l'augmentation du point d'indice de la fonction publique ; et d'autre part, le surcoût lié à la réforme des statuts du personnel détaché et le soutien au réseau d'enseignement libanais.
La ligne « Autres crédits d'intervention dans les postes et en administration centrale » a augmenté, quant à elle, de 9,6 millions d'euros, pour poursuivre le développement de notre politique d'attractivité. Deux millions d'euros ont également été fléchés vers la mise en œuvre de la feuille de route influence lancée en 2022 par Jean-Yves Le Drian. Les subventions, notamment pour les opérateurs Campus France et Institut France, et les dotations pour les alliances françaises sont restées stables.
Le programme 209 me permet de souligner que l'aide publique au développement (APD) a bien doublé entre 2017 et 2022. La loi du 4 août 2021, adoptée à la quasi-unanimité par le Parlement, a structuré le programme des crédits pour 2023. En premier lieu, il faut relever une augmentation significative des crédits alloués au programme 209. S'agissant de l'exécution, la hausse des crédits en 2023 a été consacrée en priorité à l'aide bilatérale, conformément à l'esprit de la loi de 2021. Ces crédits sont ainsi passés de 1,5 milliard d'euros de CP en 2022 à 1,7 milliard d'euros en 2023. Cette hausse a notamment concerné les crédits humanitaires à hauteur de 107 millions d'euros et le déploiement de nouveaux experts techniques internationaux pour 25 millions d'euros.
L'aide bilatérale a également été renforcée par de nouveaux dispositifs d'aides projets directement mis en œuvre par le ministère et nos ambassades sur le terrain. Ces dispositifs sont aujourd'hui regroupés au sein du fonds « équipe France » et dotés d'enveloppes allant jusqu'à 2 millions d'euros. Nos postes réengagent une réelle agilité dans leur dialogue politique et leur coopération, notamment de terrain, et je souhaite poursuivre leur développement. Il s'agit généralement de petits montants, mais qui sont très utiles pour nos postes, notamment pour nos contributions vis-à-vis de la société civile.
En conclusion, je souhaite évoquer les dépenses de personnel du titre II. Les agents du ministère sont dévoués et actifs, en France métropolitaine, à Paris ou à Nantes, mais également dans nos postes. Les crédits de personnels pour la LFI en 2023 étaient en croissance de 75 millions d'euros par rapport à la LFI de 2022. Cette augmentation de 6,35 % a notamment permis de financer le recrutement de 107 emplois nécessaires pour soutenir nos politiques dans certains domaines prioritaires, qui font appel à des qualifications spécifiques. Je pense notamment à la cybersécurité, à la lutte contre les manipulations de l'information, à la sécurisation de nos emprises ou encore à l'appui des services consulaires.
La consommation des crédits de personnel en 2023 est restée dans les limites de l'enveloppe budgétaire et le recrutement des agents vacataires dans notre réseau consulaire a pu être financé à hauteur de 1,6 million d'euros, grâce notamment à une fraction des recettes tirées de la délivrance des visas.
En résumé, les dépenses ont quasiment correspondu à l'intégralité des crédits ouverts. Nous n'avons dû recourir que partiellement au dégel de la réserve légale de précaution. Je continue de veiller à l'utilisation la plus efficiente possible de nos crédits, qui sont destinés à l'un des réseaux diplomatiques les plus denses du monde. Ce réseau va également encore se renforcer puisque nous attendons l'ouverture de deux ambassades, aux Samoa et au Guyana.