Monsieur Ducournau, après avoir affirmé pendant des années que le groupe Fabre n'avait aucun intérêt dans le projet de l'autoroute A69, vous ne pouvez nier qu'il a été, à travers de ses dirigeants successifs, le moteur de ce projet. Votre groupe a exercé un lobbying intense, jusqu'aux antichambres des ministères, et son influence a été déterminante dans la concrétisation de ce projet. Vous avancez que la réalisation de cette autoroute vise à désenclaver la région. Cependant, il nous a été confirmé ici que la notion d'enclavement reste vague, non scientifique et difficile à cerner. Vous évoquez également l'absence d'autoroute comme un frein au développement. Pourtant, le groupe Fabre se porte très bien, avec un taux de croissance d'environ 11 % en 2021, principalement à l'international. Je souhaite que vous éclairiez les députés sur votre participation au capital d'Atosca en août 2023, via la société Tarn Sud Développement. Vous avez annoncé cette participation dans la presse plus de cinq mois après, en mars 2024, sous la pression d'une enquête journalistique, tout en minimisant le montant, qui s'élève tout de même à 8,6 millions d'euros.
Permettez-moi de revenir sur certains faits et dates importants. En avril 2023, le ministre de l'époque, Clément Beaune, au lendemain d'une grande manifestation contre ce projet d'autoroute, s'est montré hésitant et a déclaré sur France Info que l'A69 serait incluse dans la révision des projets autoroutiers entreprise par le Gouvernement. Cette revue, dont les résultats étaient attendus à l'été 2023, visait à examiner plusieurs critères de désenclavement, d'engagement de coût, de prix et d'impact environnemental. « Nous reverrons un certain nombre de projets, nous prendrons des décisions courageuses et audacieuses dans les prochains mois », a-t-il affirmé. « Certains projets seront sans doute suspendus ou arrêtés », avait prévenu Clément Beaune. En mai, le ministre fait cette déclaration, et trois mois plus tard, vous entrez dans le capital d'Atosca, en argumentant que « cette participation vous procure un poste privilégié d'observation pour veiller au respect, par le concessionnaire, de tous ses engagements en matière d'environnement et de création d'emplois locaux ».
La situation s'aggrave pour vous lorsque Clément Beaune, à la fin de l'été, évoque la possibilité d'un moratoire. Vous avez adressé un courrier au Gouvernement, menaçant de mettre fin à vos investissements dans le Sud du Tarn si le chantier de l'A69 venait à être suspendu ou arrêté. Des conseillers de l'Élysée auraient également reçu ce courrier. Cette intervention au plus haut niveau de l'État, si elle est avérée, soulève des questions sur l'influence que certains intérêts privés peuvent exercer sur les élus et le Gouvernement, une problématique que je dénonce depuis plusieurs mois. Clément Beaune, de mars 2023 à juillet 2023, a évoqué une remise à plat des projets autoroutiers, voire des moratoires. Cela a conduit le président de la commission, monsieur Terlier, à demander des explications à monsieur Beaune lors des questions au gouvernement le 2 mai 2023. À l'été 2023, vous êtes entré dans le capital d'Atosca.
Mes questions sont les suivantes, monsieur Ducournau. Vous affirmez être entré au capital d'Atosca pour suivre les engagements de cette entreprise en termes d'emploi local et de respect de l'environnement. Pouvez-vous fournir des preuves, telles qu'un courrier ou une étude chiffrée, sur le nombre d'emplois locaux créés ? Je parle ici d'emplois pérennes, et non de postes temporaires liés à la construction de l'autoroute. Étant donné que les enjeux environnementaux vous préoccupent, quelle est votre position sur l'abattage d'arbres sur le site de la Crémade, jugé illégal et ayant fait l'actualité pendant plus de quatre semaines ? Avez-vous interpellé Atosca, dont vous êtes maintenant actionnaire, sur ce sujet ? La chronologie que je viens de détailler laisse penser que votre entrée dans le capital d'Atosca est une conséquence de la réflexion du Gouvernement sur la suppression, la suspension du chantier, voire un moratoire. En fait, monsieur Ducournau, avez-vous adressé un courrier au ministre ou au Gouvernement, voire à la présidence de la République, à la suite des déclarations de Clément Beaune ? Si oui, quelle était la teneur de ces courriers ? Avez-vous reçu une ou des réponses écrites à ce courrier ? Êtes-vous en mesure de transmettre vos courriers et les réponses ?