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Intervention de Éric Ducournau

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Éric Ducournau, directeur général du groupe Pierre Fabre :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant vous en tant que directeur général des laboratoires Pierre Fabre, poste que j'occupe depuis juillet 2018. Depuis dix-huit mois, nous faisons face à des attaques répétées et souvent violentes de la part d'une minorité active d'opposants à l'autoroute A69, qui reliera Toulouse à Castres et Mazamet. Ces opposants n'hésitent pas à nous calomnier, à nous menacer, à s'introduire illégalement sur nos sites, à dégrader nos bâtiments, à proférer des menaces verbales et numériques, à appeler au boycott de nos produits et à dégrader les devantures et les rayons de nos clients pharmaciens.

Je souhaite que mon audition apporte la clarté nécessaire et permette de rétablir les faits concernant le montage juridique et financier du projet. J'espère également qu'elle mettra fin aux suspicions et aux calomnies à l'encontre d'une entreprise française qui contribue activement au développement de plusieurs territoires ruraux, à la balance commerciale de notre pays et au bien commun à travers une structure capitalistique unique, sur laquelle je reviendrai.

La construction de l'autoroute A69 est un débat ancien qui mobilise depuis des décennies l'ensemble des acteurs politiques et économiques du Tarn, en particulier l'entreprise Pierre Fabre et son fondateur, décédé en juillet 2013. Il est impossible de dissocier ce projet d'aménagement du territoire de l'entreprise fondée il y a plus de soixante ans par un pharmacien de Castres, devenu le premier employeur privé de son département. Pierre Fabre s'est battu les trente dernières années de sa vie pour désenclaver un territoire dont le développement est injustement pénalisé par l'absence d'une infrastructure rapide et sécurisée, le reliant à la capitale régionale. Pierre Fabre était un citoyen engagé, un entrepreneur viscéralement attaché à son territoire. Il aurait pu déménager le siège de son entreprise à Toulouse, Montpellier ou Paris, comme cela lui fut fréquemment proposé, ou installer des sites de production à proximité immédiate d'une autoroute. Il a maintes fois refusé ces opportunités, ce qui lui aurait permis de connaître un développement beaucoup plus rapide et moins contraignant. Dans les années 1970, malgré le succès, Pierre Fabre estima qu'il devait mettre son entreprise au service d'un territoire dévasté par la disparition de l'industrie textile. Il est difficile aujourd'hui de se souvenir du traumatisme causé par cette disparition dans le Sud du Tarn, d'autant plus que l'éloignement de Toulouse rendait illusoire l'arrivée de nouvelles activités industrielles.

Face à ce constat, Pierre Fabre s'est engagé pour que les pouvoirs publics reconnaissent et réparent ce qui fut d'abord un handicap, avant de devenir une injustice lorsque tous les autres territoires des Pyrénées furent dotés d'une liaison rapide et sécurisée vers Toulouse. Si Pierre Fabre était un citoyen engagé, il fut avant tout un entrepreneur visionnaire. Rares sont les entrepreneurs nés avant la seconde guerre mondiale qui ont porté le projet humaniste d'une entreprise dont la finalité n'est pas uniquement tournée vers la réalisation de profits financiers, mais qui revendiquent aussi une responsabilité sociale et environnementale. Pharmacien et botaniste de formation, il nourrissait une passion pour la nature, ce qui lui a permis de mettre au point de nombreux médicaments et soins dermocosmétiques innovants. Il fut le premier à imposer à son entreprise des règles de traçabilité des ingrédients d'origine végétale, d'absence d'utilisation de produits phytosanitaires, de préservation des ressources et de respect des cultivateurs. C'est ce qu'il appelait la phytofilière, devenue pour nous aujourd'hui la mission verte, sur laquelle je reviendrai.

Pierre Fabre fut donc un pionnier et nous sommes aujourd'hui les héritiers de la vision éthique et responsable qu'il avait de son entreprise, une entreprise à la recherche du meilleur équilibre possible. Le chef d'entreprise se doit en effet de concilier des exigences souvent contradictoires, voire diamétralement opposées, et pourtant tout aussi légitimes les unes que les autres. Le débat sur la construction d'une autoroute entre Toulouse et Castres illustre parfaitement ce dilemme. Comment concilier au mieux, sans les opposer, développement économique et protection de l'environnement ? J'y reviendrai également.

Quelques mots sur les laboratoires Pierre Fabre, qui ne sont pas qu'un laboratoire cosmétique. Nous présentons en effet l'originalité d'être à la fois un laboratoire pharmaceutique, présent principalement dans les domaines de l'oncologie, de la dermatologie, de l'urologie et des maladies rares, mais aussi un laboratoire dermocosmétique, avec un portefeuille de marques mondialement reconnues comme Avène, Ducray ou encore Klorane. En 2023, l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 2,8 milliards d'euros, dont 57 % en dermocosmétique et 43 % dans le médicament. À titre de comparaison, les chiffres d'affaires des groupes L'Oréal et Sanofi, qui sont parmi nos grands concurrents et partenaires français, ont atteint respectivement 41 et 43 milliards d'euros.

Pour nous démarquer face à de telles entreprises, nous misons sur l'innovation, avec pour particularité de mener toutes nos activités de recherche sur le sol français, principalement à Toulouse. En 2023, nos investissements en innovation ont dépassé les 350 millions d'euros, un chiffre en progression régulière depuis 2018. Les laboratoires Pierre Fabre ont toujours fait le choix patriotique de produire en France. Ainsi, 95 % de nos produits sont fabriqués dans l'Hexagone. Nos usines sont implantées dans des territoires ruraux, principalement en Occitanie à Soual et Gaillac dans le Tarn, à Avène dans les hauts cantons de l'Hérault, à Aignan, une commune de 700 habitants dans le Gers, et à Cahors dans le Lot. Une sixième usine est installée à Gien, dans le Loiret, complétant ce dispositif auquel s'ajoutent nos centres de distribution de Muret, au Sud de Toulouse, et d'Ussel en Corrèze. Nous employons plus de 2 000 personnes dans nos opérations industrielles, soit 40 % de nos effectifs basés en France, une proportion sans équivalent dans notre secteur d'activité, surtout pour une entreprise qui réalise 70 % de son chiffre d'affaires hors de France.

Enfin, pour mieux comprendre la raison d'être de notre entreprise, il est essentiel de préciser que notre actionnaire majoritaire, à hauteur de 86 %, est une fondation à but non lucratif, la Fondation Pierre Fabre, reconnue d'utilité publique depuis 1999. Cette fondation a pour objectif principal de faciliter l'accès à des médicaments et des soins de qualité dans les pays du Sud. Elle intervient principalement en Afrique subsaharienne, souvent en collaboration avec l'Agence française de développement et toujours en partenariat avec des acteurs locaux. De son vivant, monsieur Pierre Fabre a légué la majorité des parts de son entreprise à cette fondation éponyme. Il a complété sa donation à son décès en désignant la fondation comme son légataire universel. Cette structure capitalistique est unique en France pour un groupe industriel, d'autant plus que les salariés de l'entreprise en sont les seuls autres actionnaires. Cette gouvernance garantit notre indépendance, nos engagements et nos valeurs, insufflées par le fondateur de l'entreprise et que nous continuons à porter. Cette gouvernance originale signifie aussi que nos bénéfices sont soit réinvestis dans l'entreprise pour financer ses investissements en production et en innovation sur le territoire français, soit versés à la Fondation Pierre Fabre sous forme de dividendes pour lui permettre de financer ses programmes d'accès à la santé dans les pays les moins favorisés du monde. Nous contribuons ainsi au bien commun, loin de toute spéculation financière, et c'est un immense motif de fierté pour les 10 500 collaborateurs de l'entreprise que j'ai l'honneur de diriger.

Enfin, avant de répondre plus précisément à vos questions, permettez-moi de compléter ma présentation par un propos sur les engagements environnementaux de l'entreprise. Celle-ci s'est construite sur l'idée qu'elle pouvait trouver dans la nature les actifs pharmaceutiques et dermocosmétiques permettant de développer des médicaments et des soins efficaces et sûrs. Aujourd'hui, 65 % de notre chiffre d'affaires provient de produits aux actifs issus de la nature. Monsieur Pierre Fabre a toujours eu la volonté d'une utilisation sobre et raisonnée des ressources naturelles. Dans les années 1970, il a créé cette phytofilière, une démarche avant-gardiste qui a lancé les labels d'agriculture biologique ou de naturalité que nous connaissons aujourd'hui. En 2018, toujours animés par cet esprit pionnier, nous avons lancé une ambitieuse démarche transversale, baptisée la mission verte. L'un des principaux objectifs de cette démarche est de permettre aux laboratoires Pierre Fabre de contribuer à l'atteinte des objectifs globaux de décarbonation. Depuis cinq ans, ces efforts mobilisent toutes nos activités et tous les échelons de l'entreprise. À la fin de l'année 2023, ils se traduisent par les résultats qui suivent.

Nous avons enregistré une diminution de 26 % des émissions de gaz à effet de serre pour les scopes 1 et 2 par rapport à 2015. De plus, nous avons réduit de 21 % la consommation énergétique sur nos sites industriels et tertiaires, également par rapport à 2015, grâce notamment à l'installation de chaudières à biomasse et de panneaux photovoltaïques. Par ailleurs, nous avons diminué de 30 % la consommation d'eau sur nos sites industriels et tertiaires par rapport à 2018. Depuis 2016, nous avons obtenu la certification haute qualité environnementale (HQE) pour 100 % des travaux de construction ou de rénovation de nos bâtiments tertiaires. Pour illustrer la transparence et la sincérité de notre démarche, je souhaite mentionner quelques reconnaissances externes. Dès 1997, notre usine de Gaillac, dans le Tarn, a été certifiée ISO 14001, devenant ainsi la première entreprise à obtenir cette certification environnementale en Occitanie. Gaillac a depuis été imité par nos sites de Soual et d'Avène. En 2012, Pierre Fabre est devenu le premier groupe industriel français à être labellisé Afaq 26000 par Afnor Certification au niveau confirmé. Cette certification a été reconduite en 2015 avec l'obtention du niveau exemplaire, puis de nouveau en 2018. En 2019, Ecocert a évalué notre performance RSE et nous avons obtenu le label exemplaire du référentiel Ecocert 26000. En 2022, Afnor Certification a évalué notre démarche RSE au niveau exemplaire de son nouveau label engagé RSE, plus exigeant que le précédent. En 2023, le Carbon Disclosure Project, une organisation internationale, nous a attribué la note B, soit la plus haute note qu'une entreprise puisse espérer obtenir lors de sa première évaluation, reconnue pour son exigence internationale. Cette évaluation porte sur les engagements et les résultats des entreprises en matière de limitation de leurs émissions de CO2. Enfin, le mois dernier, en 2024, nous avons obtenu le plus haut niveau du label Numérique Responsable pour nos engagements en faveur d'un numérique respectueux de l'environnement et plus solidaire. Ce label s'appuie sur un référentiel élaboré par l'Institut du Numérique Responsable en partenariat avec le ministère de la transition écologique et solidaire, l'Ademe et France IT.

L'immense majorité des collaborateurs de l'entreprise et moi-même sommes fiers de notre engagement environnemental et sociétal. Cependant, comme la très grande majorité des habitants du territoire de Castres-Mazamet, les laboratoires Pierre Fabre soutiennent résolument et ouvertement la construction de l'autoroute A69. La raison est simple et connue de tous il s'agit de concilier défense de l'environnement et développement économique. Depuis plusieurs décennies, le bassin de Castres-Mazamet est injustement pénalisé par l'absence de liaison routière rapide aux normes de sécurité en vigueur en France et en Europe. Nous avons multiplié les initiatives pour faciliter la mobilité de nos collaborateurs : mise en place de navettes entre Toulouse et Castres dès 1970, installation d'un arrêt de la SNCF à proximité de notre siège à Lavaur dans le Tarn, création d'une application digitale pour faciliter le covoiturage, et généralisation du télétravail lorsque cela est possible. Malheureusement, ces mesures ne suffisent pas. Nous soutenons le développement du train et des mobilités douces, mais elles ne constituent pas une alternative suffisante à la route. Dans nos territoires ruraux, une liaison routière rapide et sécurisée est indispensable. Je peux témoigner des difficultés rencontrées par certains de nos salariés pour se déplacer entre leur domicile et leur lieu de travail, ainsi que de l'extrême difficulté pour notre entreprise à demeurer attractive et à recruter des collaborateurs de qualité en raison de l'éloignement géographique de Castres et de l'absence de cette liaison routière. Au-delà de notre entreprise, l'autoroute permettra une amélioration de la qualité de vie du plus grand nombre en réduisant le temps de transport. Elle préservera l'emploi du bassin Castres-Mazamet et favorisera son développement économique. Elle renforcera également la sécurité des milliers d'automobilistes et de transporteurs qui effectuent chaque jour le trajet Toulouse-Castres. Depuis 2018, six de nos collaborateurs ont été victimes d'accidents graves sur la RN126. Je réponds à votre première question en rappelant les arguments que nous avons exposés publiquement en septembre 2022 dans une lettre ouverte aux opposants à l'autoroute, arguments que nous avons renouvelés en janvier 2023 lors de la dernière enquête publique. Ces éléments écrits sont connus et publics, et je peux vous les partager si vous le souhaitez.

Vous m'interrogez ensuite sur les activités de lobbying de Pierre Fabre auprès des pouvoirs publics en faveur du projet de l'autoroute A69. Les questions deux à cinq portent spécifiquement sur ce sujet : « avant de soutenir ce projet, la société Pierre Fabre était-elle favorable à l'élargissement de la RN126 ? Comment ce soutien s'est-il manifesté ? Quels responsables politiques ont été approchés au sein de l'État ou des collectivités territoriales entre 1990 et 2020 ? Pouvez-vous citer les plus notables d'entre eux ? Qui, au sein de la société Pierre Fabre, était en charge de ce soutien ? La société Pierre Fabre a-t-elle établi une stratégie d'influence en faveur de l'A69 et, si oui, comment s'est-elle déclinée ? » J'ai rejoint les laboratoires Pierre Fabre en janvier 2000 en tant que directeur de cabinet de la présidence. Il n'était pas de mon ressort de développer une stratégie d'influence auprès des pouvoirs publics pour la construction d'une liaison routière rapide et sécurisée entre Castres et Toulouse. Ce projet était porté par monsieur Pierre Fabre lui-même, qui rencontrait des dirigeants politiques locaux et nationaux. Il ne manquait jamais de les sensibiliser à ce projet majeur pour le développement du territoire. Visionnaire, il pensait à l'avenir de son entreprise et de sa région natale.

Sa position était connue de tous et fréquemment relayée dans la presse. Vous l'avez d'ailleurs rappelé, madame la rapporteure. Monsieur Pierre Fabre agissait alors en parfait chef d'entreprise, tout comme les 1 240 autres chefs d'entreprise qui ont signé en 1999 une pétition en faveur du désenclavement du Sud du Tarn. L'ancien maire de Castres, monsieur Arnaud Mandement, l'a rappelé devant votre commission. Je ne peux pas affirmer si monsieur Pierre Fabre était partisan de l'élargissement de la RN126 avant de soutenir l'autoroute. Ce que je peux dire, au risque de me répéter, est qu'il était un fervent partisan de la construction d'une liaison routière rapide et sécurisée entre Toulouse et Castres. Son objectif était de désenclaver le Sud du Tarn. Il appartenait alors aux pouvoirs publics de faire des choix politiques et techniques pour l'élargissement de la route ou la construction d'une autoroute.

Pour répondre précisément à votre troisième question, nous n'avons pas conservé la liste exhaustive des responsables politiques avec lesquels le groupe Pierre Fabre a échangé sur le projet d'autoroute depuis 1990. Cependant, comme vous me le demandez, je peux vous citer les plus récents et les plus importants. En 2019, nous avons accueilli à Castres madame Élisabeth Borne, alors ministre des transports. Lors de son déplacement officiel dans le Tarn, elle a souhaité rencontrer des habitants se déplaçant régulièrement entre Toulouse et Castres. Son cabinet nous a alors demandé d'organiser une rencontre avec des salariés concernés par ce trajet ainsi que des partenaires sociaux. En septembre 2021, j'étais présent lorsque monsieur Jean Castex, Premier ministre, a annoncé l'attribution de la concession à Atosca. J'avais été invité par monsieur le préfet du département. Cette annonce s'est déroulée à la mairie de Labruguière en présence d'une centaine de personnes. Elle était publique et a été commentée par la presse. Enfin, en octobre 2023, la Fondation Pierre Fabre, notre actionnaire majoritaire, a adressé un courrier à monsieur Clément Beaune, ministre des transports. L'objet de ce courrier était de manifester le soutien de la fondation au projet de l'autoroute A69. Je pourrai vous en adresser une copie, si vous le souhaitez.

J'en viens maintenant à notre prise de participation dans la concession autoroutière et à la proposition de participation à une entreprise de production d'électricité solaire. Vous me demandez ainsi, c'est la question numéro six : « La société Pierre Fabre a longtemps affirmé n'avoir aucun intérêt particulier dans l'autoroute A69, mais il s'avère qu'elle est actionnaire de Tarn Sud Développement et partie prenante d'une co-entreprise de production d'électricité solaire. Pour une société de cosmétiques dont la gestion est considérée comme rigoureuse, un tel engagement ne peut avoir été pris sans une réflexion de long terme : de quand date la décision de la société d'être actionnaire de Tarn Sud Développement et de participer à cette joint-venture ? » Nous n'avons jamais été demandeurs de devenir actionnaires de la concession. NGE Concessions nous a présenté un véhicule d'investissement permettant la participation d'entreprises locales au sein du projet. Cette initiative visait à impliquer les acteurs économiques dans le développement de leur territoire, renforçant ainsi l'offre de concession de NGE Concessions. Il est à noter que NGE Concessions fut la seule entreprise candidate à proposer cette prise de participation, bien que très minoritaire. L'investissement représentait environ 1,25 % de nos investissements réalisés en 2023, et les risques, bien que présents, notamment sur l'équilibre financier de la concession, nous ont semblé limités. Vous avez d'ailleurs évoqué ces risques à plusieurs reprises dans votre commission.

Nous avons surtout vu dans ce projet une opportunité de nous inscrire dans une démarche collective aux côtés de plusieurs autres entreprises locales, ce qui nous a convaincus de son intérêt. Pour les laboratoires Pierre Fabre, il s'agissait d'œuvrer concrètement au développement et au remaillage de notre territoire d'origine. Ce n'était pas notre première participation à un projet d'infrastructure publique. En 1997, nous avons créé une société d'économies mixtes, Intermédia Sud, qui a permis le développement de la fibre optique dans tout le Sud du Tarn. Comme l'a expliqué le président de la chambre de commerce et d'industrie du Tarn, dans un territoire largement délaissé par les politiques publiques, au-dessous du seuil national de pauvreté et avec un taux de chômage avoisinant les 15 %, nous devons nous allier entre entreprises et collectivités locales pour faire vivre et développer ce territoire. À titre d'exemple, notre entreprise contribue également financièrement aux activités de la technopole Castres-Mazamet, très engagée dans le soutien à des start-up locales innovantes et dans le développement de la e-santé dans la région Occitanie.

Il nous a également été proposé par NGE Concessions de devenir actionnaires d'une entreprise se consacrant à l'installation de panneaux photovoltaïques sur les délaissés de l'autoroute ou, alternativement, d'acheter l'électricité produite par cette future société. Ce projet s'inscrivait dans les engagements du futur concessionnaire visant à mettre en place un projet autoroutier innovant sur le plan environnemental. Nous étions intéressés par cette participation pour nos installations situées à proximité de l'autoroute, notamment l'usine de Soual, le site tertiaire de la Chartreuse et le centre sportif du Lévezou à Castres. Nous avons d'ailleurs signé avec NGE Concessions un protocole de partenariat par lequel Pierre Fabre s'engageait à examiner la faisabilité de projets environnementaux. À la réflexion, nous avons finalement décidé de ne pas donner suite à cette possibilité offerte par NGE Concessions, d'autres projets nous étant apparus entre-temps plus stratégiques et prioritaires. J'ajoute cependant que si le projet devait voir le jour, nous pourrions bien entendu acheter l'électricité décarbonée produite par ces installations pour notre site de production de Soual.

Sachez cependant que les premiers panneaux solaires de l'usine de Soual ont été installés sur notre propre terrain en février 2024 et qu'il en sera de même pour notre futur siège de la Chartreuse à Castres, actuellement en construction. Bâti sur une ossature en bois, il sera équipé d'installations géothermiques et photovoltaïques et est d'ores et déjà certifié HQE bâtiment durable.

Vous m'interrogez ensuite sur le bien-fondé de notre investissement et sur sa prétendue opacité. « Pourquoi avoir longtemps affirmé n'avoir aucun intérêt particulier dans l'A69 avant de reconnaître l'implication financière de la société ? Quelle stratégie de communication suivait la société et ne s'agit-il pas d'une erreur, s'agissant d'une infrastructure certes concédée mais demeurant dans le domaine public et élément d'une politique d'aménagement du territoire qui revêt également un caractère public ? » Les règles de droit entourant notre prise de participation minoritaire dans la concession de l'A69 via la société d'investissement Tarn Sud Développement ont été parfaitement respectées. L'État en a été dûment informé et il en a validé le montage financier et juridique. Il n'y a donc rien d'illégal à tout cela. C'est peut-être une évidence, mais je tiens compte tenu du contexte actuel à le rappeler solennellement. Ce qui nous est aujourd'hui reproché, ce serait d'avoir fait preuve d'opacité vis-à-vis du grand public. Nous n'avons pourtant jamais rien caché. La vérité est que la participation financière des laboratoires Pierre Fabre dans le projet de l'A69 a été communiquée à la presse lorsque la question nous a été posée en mars dernier.

Aurait-il fallu prendre l'initiative de communiquer sur la création de Tarn Sud Développement ? Nous avons débattu de cette question en interne et avec les autres actionnaires, dont certains ont été auditionnés par vous. Finalement, nous avons estimé, compte tenu de la violence croissante des oppositions à l'A69, que l'annonce de la création de Tarn Sud Développement et de sa prise de participation dans Atosca risquait d'envenimer la situation. Pour rappel, Tarn Sud Développement a été créée en août 2023, alors que les opposants appelaient à un rassemblement massif en octobre contre l'A69 et ses soutiens. La plupart des entreprises de Tarn Sud Développement craignaient pour l'intégrité de leurs sites et la sécurité de leurs salariés. La suite des événements leur a malheureusement donné raison, la manifestation ayant dégénéré et inauguré un cycle de dégradations et de violences contre les entreprises et les personnels du chantier. Je rappelle que les entrepôts d'une entreprise locale, non partie prenante à Tarn Sud Développement mais sous-traitante du chantier, ont brûlé, entraînant la disparition de dix emplois et causant un million et demi de dégâts.

Vos questions huit et neuf demandent des précisions techniques complémentaires sur notre participation à la société Tarn Sud Développement et à une co-entreprise avec NGE et Gaïa Energy. « Quel est le montant de la part prise par Pierre Fabre dans Tarn Sud Développement ? Quelle est la proportion de cette part dans le total apporté par les actionnaires de Tarn Sud Développement ? Comment ce montant est-il établi ? Quel sera le rôle de la société Pierre Fabre dans la co-entreprise précitée ? Quel est son apport financier ? » L'apport en fonds propres de la société Pierre Fabre au sein de Tarn Sud Développement s'élève très exactement à 5 002 737 euros, correspondant au prix de souscription à l'augmentation de capital. Ainsi, la société Pierre Fabre détient 57,84 % du capital et des droits de vote de Tarn Sud Développement. Je tiens à préciser que Tarn Sud Développement est une société par actions simplifiée (SAS) au sein de laquelle les décisions importantes doivent être prises à la majorité qualifiée, soit 75 % des votes, voire renforcées à 80 %, avec l'assentiment de tous les actionnaires. Pour la modification des statuts ou les transferts de titres à un tiers, ces décisions se prennent à la majorité renforcée. Le montant investi a été établi en fonction des capacités financières de chacun des actionnaires de Tarn Sud Développement.

Quant au rôle du groupe Pierre Fabre dans l'entreprise constituée entre Gaïa et NGE, j'ai déjà répondu : nous avons préféré ne pas donner suite à ce projet ; nous ne sommes donc pas partie prenante de cette société.

En conclusion, comme mes confrères chefs d'entreprise actionnaires de Tarn Sud Développement et comme le président de la chambre de commerce et d'industrie du Tarn vous l'ont dit, je suis fier d'avoir pu conforter les voies de désenclavement du Tarn, à l'image de ce que l'entreprise a accompli pour le transport ferroviaire, l'équipement numérique ou l'aéroport de Castres-Mazamet. Nous agissons en faveur du maintien de la vie dans nos territoires par l'activité économique. À l'instar de Marcel Michelin à Clermont-Ferrand, de Charles et Alain Mérieux à Lyon ou de Gérard Mulliez à Lille, Pierre Fabre a durablement ancré son entreprise dans son territoire avec ses emplois et ses sièges sociaux en dehors de Paris. Vous le reconnaîtrez, Castres n'a rien de comparable avec les capitales régionales que je viens de citer. J'espère avoir répondu à vos questions et préoccupations. Je reste à votre disposition pour toute autre interrogation.

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