Intervention de Carole Delga

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Carole Delga, présidente du conseil régional d'Occitanie :

J'ai pu écouter d'autres personnes auditionnées par la commission d'enquête parlementaire, et elles n'ont pas pris moins de temps que moi. Je n'abuse donc pas du propos liminaire et demande à disposer du même temps d'explication que les présidents d'autres collectivités. En conclusion, madame la rapporteure, je tiens à rappeler que le vote d'extrême droite au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 était de près de 20 %. En 2022, il a atteint 33 %, marquant une progression de 65 %. Lors des élections législatives de 2022, l'extrême droite a obtenu 22 % des voix, et il manquait 14 voix au candidat qui se présentait dans la circonscription de M. Jean Terlier pour être élu. Nous avons démontré la nécessité de lutter contre ce sentiment d'assignation à résidence, qui engendre une résignation sociale et désespoir. Dans les territoires, les réalités sont souvent plus complexes que les discours, et les enjeux peuvent sembler s'entrechoquer. Je crois qu'il est essentiel de concilier le social et l'écologie pour offrir les mêmes chances de vie, d'épanouissement, de réussite et d'émancipation à tous les habitants. C'est ce que nous accomplissons avec ma majorité, avec humilité, détermination et dignité, en toute sincérité, cohérence, respect de chacun, en transparence et en responsabilité.

Je vais répondre aux questions de madame la rapporteure. Pour répondre à sa demande d'efficacité, je vais énumérer les numéros des questions. Sur la première question, je rappelle que la région n'a jamais été contactée par une entité de droit privé en vue de participer à une négociation sur le financement de l'A69. L'État est le maître d'ouvrage du projet et l'autorité organisatrice de la procédure d'appel d'offres. Le seul interlocuteur pour la région Midi-Pyrénées comme pour la région Occitanie a toujours été l'État. Je rappelle que la participation de la région avait été approuvée une première fois le 13 mars 2014, à la suite d'un courrier du préfet de région. Nous avons confirmé notre participation par délibération du 13 octobre 2017, selon la clé de répartition de 26 % des concours publics. Les concours publics représentent en tout 23 millions d'euros et la région participe à hauteur de 6 millions d'euros, ce qui représente 1,6 % du financement du projet. Cette délibération avait été prise à la suite du courrier du préfet de région Pascal Mailhos, en date du 28 juin 2017.

Il y a trente ans, nous avions accepté de participer financièrement à un projet d'aménagement de la route nationale. C'est ce que demandait la région. Cependant, cette demande n'a pas été acceptée par le Gouvernement. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il a été décidé, comme l'a rappelé monsieur Dominique Perben, d'opter pour une concession autoroutière. Le financement classique des aménagements routiers implique une participation des collectivités locales. La clé de répartition a été fixée par l'État et acceptée par l'ensemble des collectivités contributrices. Nous avons pu, chacune de notre côté, délibérer sur ces montants, tout en regrettant unanimement la décision d'avoir une autoroute payante, alors que nous demandions de manière constante et argumentée l'aménagement de la RN126.

Sur le calendrier de la négociation entre l'État et la région, comme indiqué lors de l'audition du 27 février dernier par le président Martin Malvy, la région a souhaité, dès 1998, accélérer ce projet. Pour preuve, dans le CPER 2000-2006, la déviation de Puylaurens était inscrite, et la région avait accepté un cofinancement dans le cadre d'un plan de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) 2007-2013. Nous demandions alors une maîtrise d'ouvrage classique de l'État, une solution retenue pour la RN88, reliant Toulouse à Lyon, ainsi que pour la RN124, reliant Toulouse à Auch. Les clés de financement, établies à hauteur de 50 % par l'État et 50 % par les collectivités locales, ont été approuvées par délibération le 13 mars 2014. Les discussions ont toujours eu lieu avec les représentants de l'État, qu'il s'agisse des ministres des transports, des préfets de région ou de l'administration centrale, représentée par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

Sur la liberté des collectivités territoriales de déterminer les montants et modalités de versement au public, je rappelle que ces collectivités sont toujours libres de participer ou non au financement d'une infrastructure de transport, avec les conséquences que cela peut entraîner en cas de refus. La clé de répartition proposée par les services de l'État a été acceptée par les collectivités locales, et chaque collectivité a pu délibérer en connaissance de cause, ce que la région a fait, en 2014 et en 2017. En 2020, la Dreal et la DGITM ont insisté pour que la région verse directement sa participation non pas à l'État, comme les autres collectivités locales, mais directement au concessionnaire. Leurs arguments visaient à assurer une sécurité juridique et financière aux soumissionnaires, car aux termes du contrat, le concessionnaire peut se retourner directement vers la région pour appliquer des intérêts moratoires en cas de retard de versement.

Lors d'une réunion du 7 septembre 2020, la DGITM a expliqué à mes services que ce mécanisme permettait « d'améliorer la robustesse financière du montage pour les candidats, la réputation de payeur des régions étant meilleure que celle de l'État. » Je tiens à préciser que pour nos versements, nous recevons de la DGITM une proposition de versement indiquant que la demande du concessionnaire est valide. Après réception de ce courrier ou de ce courriel, nous procédons au versement directement auprès du concessionnaire.

Le principe de la subvention d'équilibre a toujours été admis et accepté par les collectivités territoriales. Il avait été clairement établi dès 1998 par Martin Malvy. Lors de son audition, Marc Censi a confirmé que la région Midi-Pyrénées n'était pas opposée à ce principe et qu'elle a constamment milité en faveur d'un aménagement classique, c'est-à-dire sans péage, pour la RN126. Cependant, elle a dû prendre acte, comme toutes les autres collectivités locales, de la volonté de l'État, à partir de 2007, de recourir à une concession assortie d'une subvention d'équilibre.

La région n'a jamais eu de contact avec le concessionnaire Atosca ; il n'y a jamais eu de négociations financières directes avec ce dernier. Conformément au droit, c'est l'État, en tant que maître d'ouvrage, qui a négocié avec les candidats et les collectivités. Les collectivités n'avaient pas connaissance des échanges entre l'État et les candidats, en raison du caractère secret de ces négociations, tel que prévu à l'article L. 3122-3 du code de la commande publique. Une participation ou une information des régions ou des collectivités locales à ces négociations aurait mis l'État en infraction et aurait fragilisé la régularité de la procédure de mise en concurrence.

S'agissant du montant de 23,13 millions d'euros, il est précisé qu'il s'agit d'un montant maximum. Le contrat inclut deux principales clauses de retour à meilleure fortune. La première clause s'applique si le concessionnaire réalise des profits nettement supérieurs aux prévisions, notamment en cas de trafic supérieur aux attentes. La seconde clause concerne les gains potentiels dus à une évolution du plan de financement. Les contributeurs publics peuvent ainsi bénéficier d'un retour à meilleure fortune si, par exemple, la dette du concessionnaire est refinancée à des taux bien inférieurs à ceux envisagés dans le plan de financement initial. À ma connaissance, ce n'est pas d'actualité, car la période de contractualisation des emprunts s'est déroulée à une époque où les taux d'intérêt étaient bas. Cela a d'ailleurs permis, comme l'a expliqué monsieur Fabien Balderelli, sous-directeur de la DGITM, de réduire le coût de l'offre. À ma connaissance, il n'est pas prévu de diminuer ce montant.

Nous avons accepté une clé de répartition à raison de 50 % pour l'État et 50 % pour les collectivités locales. Au sein des collectivités locales, le taux d'intervention classique est que la moitié de la participation est assurée par la collectivité régionale. En France, ce taux est habituel. Dans notre cas, 52 % avaient été proposés en 2014 et l'ensemble des collectivités locales a accepté cette clé de répartition proposée par l'État.

Sur la question de l'actualisation des sommes à verser, je confirme que le principe d'actualisation des coûts est bien connu des collectivités territoriales, lesquelles procèdent régulièrement à des contrats publics. La valeur actualisée finale de 23,13 millions d'euros ne sera connue qu'au moment du dernier versement, actualisé au dernier indice. En ce qui concerne la région, celle-ci a versé, à ce jour, un total de 2 747 594,58 euros. Si vous le souhaitez, je peux vous envoyer par écrit le détail par année de ces versements, répartis sur 2022, 2023 et 2024. Nous avons reçu hier soir une nouvelle demande pour 2024. À chaque fois, comme je l'ai indiqué, c'est la DGITM qui nous transmet la demande d'Atosca et qui la valide. Une fois la demande d'Atosca validée par l'État, nous engageons le paiement.

Question numéro six relative au montant total des concours publics par rapport au coût total estimé des travaux : environ 6 % ... Cela nous semble-t-il comparable à celui d'autres projets similaires ? Le ratio est très variable et dépend schématiquement du coût des travaux à réaliser d'une part et des recettes du trafic attendu d'autre part. Cependant, en 2014, cette clé de répartition a été acceptée par l'ensemble des collectivités locales.

Avait-il été envisagé – c'est la question numéro sept - avant de recourir à l'autoroute, une participation des collectivités locales ? J'ai répondu à plusieurs reprises par l'affirmative. Dès le début, dès la demande de l'aménagement de la RN126, les collectivités locales avaient donné un accord de principe sur une participation. Les clés de répartition ont été définies de manière précise au début des années 2010, avec une première délibération pour la région en 2014 et une deuxième délibération de confirmation en 2017. De plus, ce n'étaient pas de simples déclarations d'intention pour la région, puisque je rappelle que la région Midi-Pyrénées avait demandé l'inscription de ce projet au PDMI et au CPER, ce qui impliquait un financement de la région. L'aménagement de la RN126, à l'époque, avait été estimé à 500 millions d'euros.

Quant à la possibilité d'un changement de la clé de répartition, à ma connaissance, aucune collectivité n'a exprimé la volonté de modifier cette clé, délibérée en 2014 et confirmée en 2017. Chaque collectivité locale a respecté ses engagements.

Pour la question numéro neuf, à savoir si de nouvelles collectivités territoriales se sont manifestées, à ma connaissance, aucune démarche n'a été entreprise dans ce sens. Enfin, sur la question d'un partage des gains financiers ou des frais de la concession et du reliquat, la question numéro dix indiquait qu'à ma connaissance, rien ne laisse supposer que le concessionnaire active une de ces clauses. Il ne serait donc pas responsable, selon moi, d'anticiper une quelconque recette à ce sujet.

Passons à la diminution de la subvention d'équilibre : la subvention initialement attendue, fixée à 228 millions d'euros, était bien supérieure à la proposition retenue par l'État à l'issue de l'appel d'offres sur la concession. Le département du Tarn, son président et moi-même avons estimé que ce niveau très élevé de contribution des collectivités nécessitait davantage d'informations de la part de l'État sur le déroulement de la procédure. Je vous lis la conclusion d'un courrier daté du 17 juin 2020, co-signé par le président du conseil départemental du Tarn et moi-même, adressé au ministre Jean-Baptiste Djebbari : « Il est ainsi souhaitable que les services techniques des collectivités puissent être associés afin de formuler des avis techniques sur cette procédure, pouvant impacter le montant des participations financières des collectivités. » Rappelons que ces participations représentaient 50 % d'une subvention d'équilibre estimée à 228 millions d'euros, sans lesquelles ce projet ne pouvait voir le jour. En réponse, les services de l'État ont présenté aux collectivités, le 6 septembre 2020 en préfecture de région à Toulouse, une synthèse des trois offres rendues anonymes. Cette synthèse, assez générale, mettait en évidence que deux des trois offres présentaient des niveaux de concours publics très inférieurs au montant annoncé. Les collectivités locales présentes ont simplement pris acte de cette analyse, car elles n'étaient pas décisionnaires dans la procédure d'appel d'offres. Je n'étais pas présente à cette réunion en raison de ma position de principe : je n'assiste à aucune commission d'appel d'offres, ni à aucune réunion relative à l'attribution de marchés. Cette présentation a été placée sous le sceau de la confidentialité, aucun document n'a été remis en séance. Les services de l'État sont les mieux placés pour apporter des précisions sur ce sujet. Lorsque les annonces officielles du Premier ministre et du ministre ont été faites, nous avons délibéré en commission permanente le 11 décembre 2021, avec le nouveau montant de notre participation à la subvention d'équilibre, soit un peu plus de 6 millions d'euros.

Sur la question de la page 15 de l'annexe 18 - question numéro douze – la région n'est pas destinataire de l'annexe 18 et n'a pas connaissance de son montant. Toutefois, comme nous l'avons également indiqué, mes collègues présidents d'exécutifs en ont été informés.

Question numéro treize : le Premier ministre, en septembre 2021, avait précisé que le niveau de péage et le niveau de participation des collectivités publiques étaient essentiels. Je le répète, la région a été informée des grands traits de la construction, des concours publics, des péages, des prévisions de trafic, des offres concurrentes lors de la réunion du 6 septembre précitée. Les offres étaient anonymisées, et la présentation ne permettait pas de déterminer laquelle des trois offres serait lauréate. Il s'agissait simplement d'un partage de contenu, et non d'une association à la décision d'attribution, qui revenait logiquement et légalement à l'État, maître d'ouvrage.

En ce qui concerne les liens entre la subvention d'équilibre et les tarifs de péage, ainsi que la répercussion entre la diminution de la subvention d'équilibre et les tarifs de péage, je me réfère aux propos de monsieur Fabien Balderelli auditionné par votre commission la semaine dernière. Il a indiqué que la baisse très importante de la subvention d'équilibre n'est pas la conséquence des tarifs de péage, mais s'expliquerait par trois paramètres une structure financière optimisée, notamment des taux d'intérêt plus faibles, un coût de construction plus faible au risque du concessionnaire, et des prévisions de trafic plus optimistes, également au risque du concessionnaire.

Enfin, sur la question sous-jacente de savoir si une subvention d'équilibre plus élevée permettrait de diminuer les tarifs de péage, la mécanique du contrat de concession implique qu'une hausse de subvention pourrait se traduire par une diminution des péages, un raccourcissement de la durée de la concession, ou la mise en oeuvre de nouvelles fonctionnalités non prévues initialement au contrat. Sur la question d'une table ronde concernant le péage et la subvention d'équilibre, je rappelle que j'ai sollicité, depuis sept mois, par courriers datés du 4 octobre 2023, du 15 novembre 2023 et du 4 avril 2024, le ministre des transports pour l'installation d'un groupe de travail spécifique sur les futures tarifications du péage. Je considère que le montant actuel de ce péage pour les voitures individuelles est très élevé. Il serait envisageable de moduler le tarif en fonction de la puissance du véhicule. Ces courriers ont pour la plupart été co-signés avec le président du département du Tarn. En réponse au dernier courrier d'avril 2024, monsieur Balderelli a proposé, par courriel du 19 avril 2024, au service technique du conseil départemental du Tarn et à mes services techniques, l'organisation d'un groupe de travail en présence du concessionnaire. Les directeurs généraux des services (DGS) des deux collectivités locales, région Occitanie et département du Tarn, ont confirmé le 7 mai dernier la demande des deux présidents des collectivités pour que ces échanges soient, dans un premier temps, limités à l'État et aux collectivités locales.

Question numéro seize, sur l'activation de clauses et sur une collectivité prête à accepter une diminution des tarifs de péage plutôt qu'un remboursement des concours publics qu'elle a versés : il est prématuré, à mon sens, de parler d'activation de clauses. Nous sommes à mi-parcours de la réalisation des travaux. Il serait tout à fait normal que l'hypothèse d'une diminution des péages soit privilégiée pour le pouvoir d'achat des utilisateurs. Lors de la réunion que nous demandons avec le ministère des transports, je m'exprimerai en ce sens auprès du ministre pour envisager, en cas de retour à meilleure fortune, que les usagers les plus modestes puissent en bénéficier. Question dix-sept : j'ai appris par la presse, à la suite de l'entretien de monsieur Ducournau à La Dépêche du Midi, le 14 mars dernier, la prise de participation du groupe Pierre Fabre et de 11 autres entreprises tarnaises au capital d'Atosca.

Quant à la joint-venture entre Atosca, Pierre Fabre et Gaïa Energy, j'ai appris l'existence de cette collaboration grâce au questionnaire de madame la rapporteure à la question sur les projets photovoltaïques. Les collectivités ne disposent ni du contrat de concession, ni des pouvoirs importants d'une commission d'enquête parlementaire, qui lui permettent d'accéder à tout document.

S'agissant de l'aéroport de Castres-Mazamet, à la question dix-neuf, je confirme que les réflexions sur la liaison Paris-Castres et son avenir sont bien en cours. Ces réflexions ont commencé par une prise de position de l'État, qui a annoncé qu'il cesserait sa contribution à la liaison aérienne Castres-Orly un an après la mise en service de l'autoroute A69, soit en 2026. La réduction du temps d'accès à l'aéroport de Toulouse-Blagnac grâce à l'A69 diminue l'intérêt commercial de cette liaison et remet en question sa dimension de service public. Le territoire n'étant désormais plus enclavé, cette question devra être abordée dans les prochains mois.

Pour ce qui est de votre dernière question sur les conséquences de l'ouverture de l'A69 et la charge de l'entretien d'une portion de route départementale, vous indiquez que cela ne concerne pas la région Occitanie. Le département de la Haute-Garonne n'est d'ailleurs pas plus concerné que la région, la RN126 ayant été déclassée en route départementale. Il me semble avoir répondu à l'ensemble des questions de madame la rapporteure. En cas d'omission, je suis à votre disposition.

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