En ce qui concerne la judiciarisation, je ne suis pas convaincue qu'il faille adopter un modèle américain. Toutefois, il est impératif qu'il y ait des conséquences et des répercussions en cas de débordements. Une forme de réparation collective est également nécessaire. Est-ce que cela doit passer par une procédure judiciaire ? Je n'en suis pas certaine. En revanche, disposer de règlements et d'outils à utiliser en collectivité me semble plus utile car, entre la loi et la pratique, le fossé est souvent important. Il est donc préférable de se concentrer sur ce qui aura un impact direct sur le terrain.
En ce qui concerne les contrats, les nudity riders et la spécificité des scénarios, je pense qu'il s'agit d'une fausse bonne idée. Je suis favorable aux avenants aux contrats, car il est essentiel d'établir des limites en amont, comme un cadre. Cependant, exiger qu'un scénario soit extrêmement détaillé avant le tournage me semble irréaliste. Un scénario est un texte de travail qui évolue de manière organique, ce qui est tout à fait normal. Imposer une telle exigence risquerait de nous mettre toute l'industrie à dos et de nous décrédibiliser. Il serait plus utile de faire signer des avenants et de garantir la présence d'une coordinatrice ou d'un coordinateur d'intimité, qui pourrait s'entretenir individuellement avec chaque comédien. Si une scène n'est pas très détaillée, la coordinatrice d'intimité pourrait demander des précisions en amont indiquant les limites générales de chaque comédien. Il est également important de reconnaître que ces limites peuvent évoluer le jour même du tournage. La présence de la coordinatrice d'intimité est essentielle pour veiller au respect de ces limites. Pour moi, l'essentiel réside dans la pratique. La présence d'une coordinatrice d'intimité est primordiale. Il est nécessaire de signer des documents, mais ceux-ci devraient être plus généraux pour ne pas entraver les metteurs en scène ou les comédiens et comédiennes. À la fin, ces derniers doivent pouvoir dire : « Je suis tout à fait à l'aise avec cela », et nous devons pouvoir nous adapter en cas de besoin.
Concernant les formations, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il est essentiel de créer une formation française, francophone, car il est prohibitif de se former aux États-Unis. J'ai déboursé dix mille euros pour ma formation, et je n'ai plus un sou. Je continue à me former, cela ne s'arrête jamais. Cependant, ces formations sont en anglais, ce qui exclut les personnes ne maîtrisant pas parfaitement cette langue. À quoi bon former des personnes qui n'auront pas de travail ou qui se disputeront des miettes, faute de réglementation incitant les productions à les engager ? Nous risquons de nous retrouver avec des coordinatrices d'intimité prêtes à tout pour conserver leur emploi. Cela signifie une perte d'impartialité, car elles feront ce qu'on leur demande, y compris de la mise en scène. C'est un grand danger, car elles risquent de faire n'importe quoi. Il faut d'abord instaurer des réglementations et une formation, éventuellement une certification, qui prennent en compte les acquis et les compétences. Nous devons éviter un système élitiste où seules les personnes ayant les moyens financiers pourraient accéder à ces formations. La première étape est donc la réglementation et l'éducation.