Je suis coordinatrice d'intimité depuis quatre ans. J'ai d'abord exercé comme juriste avant de me réorienter vers le cinéma. Après avoir terminé une école de cinéma, j'ai découvert ce métier aux États-Unis en 2018-2019 et j'ai décidé de m'y former. Comme ce n'était pas possible en France, je me suis formée auprès d'un organisme américain. J'ai été la première à exercer cette profession en France et j'ai dû convaincre les productions françaises de son utilité, mais j'ai rencontré beaucoup de réticences, car ceux qui connaissaient ce métier le considéraient comme typiquement américain. On me disait souvent : « Nous n'avons pas cette mentalité anglo-saxonne, un peu puritaine. Nous n'avons pas les mêmes problèmes, le corps et l'intimité ne sont pas des tabous pour nous. » J'ai donc ressenti beaucoup de réticences au départ. Les premiers à me faire confiance ont été Netflix, car ils connaissaient déjà ce métier aux États-Unis et utilisaient déjà des coordinateurs et des coordinatrices d'intimité. Grâce à eux, j'ai pu développer mon réseau et commencer à travailler.
Au début, je travaillais principalement pour des productions étrangères en France. Aujourd'hui, la situation commence à s'inverser. Les difficultés que j'ai rencontrées en France ne sont pas liées à l'adaptation de pratiques anglo-saxonnes, car avec l'arrivée des plateformes et le développement des séries, les méthodes de travail techniques tendent à se ressembler. Le véritable obstacle réside dans la mentalité. En France, l'auteur-réalisateur détient les pleins pouvoirs et il est très compliqué de négocier certaines demandes ou le refus de certaines scènes. Il est même compliqué de solliciter la présence d'une coordinatrice ou d'un coordinateur d'intimité. On part du principe que, comme chacun possède son intimité propre, il est simple de la reproduire sur un plateau de tournage. Les comédiens, souvent vulnérables, souhaitent travailler et, si vous refusez, d'autres accepteront de réaliser ce que vous ne voulez pas faire. Il est donc difficile de poser des limites dans notre secteur, surtout lorsque le réalisateur a les pleins pouvoirs. Refuser peut entraîner une mise à l'écart ou un remplacement par quelqu'un d'autre. Cependant, je constate une différence entre mes débuts et aujourd'hui. Il est vrai que notre métier reste largement méconnu, malgré l'adoption, lors du dernier festival de Cannes, d'un texte par les partenaires sociaux du cinéma. Ce texte prévoit l'intervention d'un ou d'une coordinatrice d'intimité pour toutes les scènes intimes. Néanmoins, nous rencontrons encore de nombreux techniciens qui ne connaissent pas notre métier.