Je travaille dans le milieu du cinéma depuis 2009. J'ai occupé divers postes, notamment dans l'habillage, le costume, et j'ai également été comédienne. Entre 2021 et 2022, je me suis formée à la coordination d'intimité auprès de plusieurs organismes anglo-saxons. Ce rôle présente de nombreux défis en France, en raison d'une méconnaissance généralisée et d'une minimisation des risques associés aux scènes de sexe. Un tabou persiste autour de la vulnérabilité des acteurs dans ces scènes.
De plus, un vide réglementaire et juridique entoure l'encadrement de celles-ci en France. Dans les pays où des protocoles ont été instaurés, ces derniers sont soutenus par des syndicats puissants, qu'il s'agisse de syndicats d'interprètes ou du secteur cinématographique. Ils possèdent une puissance suffisante pour interrompre des tournages en cas de problème. Ils mettent à disposition des hotlines, des lignes d'écoute spécifiques pour les interprètes, permettant ainsi de suspendre les tournages, si nécessaire. Ce levier est extrêmement important. En France et en Belgique, en revanche, aucun syndicat ne dispose d'un tel pouvoir. Le fonctionnement des productions est entièrement différent, tout comme l'économie du secteur, en raison d'un apport significatif de fonds publics. Contrairement à l'industrie anglo-saxonne, l'économie du cinéma en France repose sur des mécanismes distincts, et les leviers de pouvoir se situent à des endroits différents, ce qui engendre des défis spécifiques. La perception du risque est autre également, car la francophonie n'aborde pas cette notion de la même manière que les Anglo-Saxons. Qu'il s'agisse de risques financiers, de réputation ou même physiques sur un plateau, les Anglo-Saxons, avec leur culture juridique, sont plus enclins à engager des poursuites pour mauvaise pratique ou pour mise en danger. Ils sont beaucoup plus protocolaires et mettent en avant ces aspects en raison des impacts potentiels sur leur réputation, leur capital, les pertes financières ou les assurances. En France, au contraire, nous considérons le métier du cinéma plus comme un artisanat que comme une industrie, avec de nombreuses spécificités qui nous permettent de dépasser les lois de protection des travailleuses et des travailleurs. Il existe une véritable culture informelle du travail dans ce secteur, que ce soit sur les scènes ou dans la manière dont nous traitons les corps des personnes vulnérables. Il y a un déni de cette vulnérabilité et, comme nous n'avons ni la culture ni le problème des Anglo-Saxons, aucune réglementation ne nous incite à résoudre cette question. C'est ainsi que j'interprète le problème actuel.