Le marché de Rungis est un opérateur d'importance vitale (OIV) au sens de la loi, ce qui signifie que la gestion de crise fait partie intégrante de notre travail. Nous sommes en liaison avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le préfet de zone et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Je ne vais pas dévoiler notre plan de gestion de crise mais je peux vous dire que nous sommes en mesure d'alimenter Paris en toutes circonstances, en jouant sur les stocks et la logistique. Nous travaillons en étroite collaboration avec le SGDSN pour faire face aux difficultés qui peuvent se présenter. Nous avons ainsi pu poursuivre notre activité dans des circonstances particulières : outre les événements récents que vous avez évoqués, on peut citer les épisodes neigeux, la crise des Gilets jaunes et, surtout, la pandémie de covid-19. Durant la crise sanitaire, nous avons continué à nourrir les Français malgré le télétravail généralisé et les autres difficultés rencontrées. C'est ce qui fait de Rungis une ligne rouge. Nous créons des cellules de crise lorsque cela se révèle nécessaire ; nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l'intérieur et des outre-mer, le ministère des armées et les services du Premier ministre.
J'ai beaucoup défendu le train des primeurs lorsque, en 2018, la SNCF a manifesté l'intention de l'arrêter pour des raisons de rentabilité – les wagons repartant vides vers Perpignan. Nous nous sommes battus avec Jean Castex, alors Premier ministre, pour le faire repartir. En dépit de difficultés politiques et techniques – octroi de sillons réservés, croisement de voies avec les trains de voyageurs franciliens le matin, etc. –, nous y sommes parvenus. C'est alors que la Commission européenne a décidé d'interdire à Fret SNCF d'assurer cette activité, l'entreprise ayant reçu des aides de l'État. La SEMMARIS subit les conséquences de cette décision qui, au demeurant, est sans doute parfaitement légitime.
Lorsque le train des primeurs a été arrêté la première fois, j'ai décidé de réfléchir au business model du fret ferroviaire des produits frais. On a compris que l'unité de travail était désormais le container ou la remorque. Il est très difficile de maintenir le train traditionnel que l'on charge de palettes ou de cagettes à grand renfort de ressources humaines, et celui-ci ne correspond plus aux attentes.
Or la gare construite en 2010 est inadaptée : prévue pour 400 000 tonnes, elle n'en a jamais reçu que 200 000 les meilleures années – et plutôt 100 000 ces derniers temps. Nous venons, au terme d'un appel d'offres, de choisir l'opérateur qui gérera la gare multimodale, laquelle permettra à des remorques de camions de monter sur les trains et à des containers d'être traités à Rungis. Si nous parvenons à obtenir toutes les subventions européennes, nationales et régionales – nous sommes déjà assurés de recevoir une aide dans le cadre des contrats de plan État-région –, nous espérons construire cette nouvelle gare multimodale à l'échéance 2026. Elle permettra d'accueillir six à huit trains par jour. La ligne partira d'abord de Perpignan pour remonter à Rungis, mais nous pensons qu'il faut l'étendre au sud de la Méditerranée et au nord de l'Europe, jusqu'à Rotterdam, et étendre son usage au transport de produits industriels. On oublie souvent que ce sont Apple et le téléphone portable qui ont tué le train des primeurs, car les gens lisent désormais le journal sur leur portable alors qu'autrefois le transport du Monde et de la presse papier en général vers le sud de la France assurait une petite rentabilité à la ligne sur le trajet du retour. Je suis assez optimiste mais cela ne marchera que si le projet est soutenu à l'échelle européenne ; nous pourrons ainsi échapper aux difficultés que nous avons rencontrées avec Fret SNCF.
Le site internet agoralimdirect.fr est une marketplace B to B que nous avons choisie et que nous allons nous efforcer d'aider. Son objectif est de collecter des produits locaux dans toutes les exploitations situées dans un rayon de 100 kilomètres autour de Paris et de les distribuer principalement aux restaurateurs, ainsi qu'à tous les détaillants qui souhaitent les revendre. Ces projets sont très enthousiasmants, mais il faut aider ces entreprises jeunes et fragiles qui manquent parfois de haut de bilan. Nous allons donc nous efforcer de les accompagner pour que le local puisse se développer en Île-de-France.