Tous les grands pays aident leur agriculture. Je n'ai pas de chiffres précis sur le Canada, mais ce pays le fait plutôt moins que d'autres. Il a conservé un système de quotas pour la production laitière, notamment au Québec, et pour la production de volailles. En dehors de ce mécanisme, il ne verse pas à son agriculture d'aides budgétaires significatives. Il est très compétitif en matière de viande bovine – mais les animaux sont élevés à coups d'hormones et ces produits n'entrent donc pas chez nous –, de blé, de blé dur et de colza. Peut-être devriez-vous interroger à ce sujet le ministre de l'agriculture français, que vous allez bientôt auditionner, mais je ne pense pas que le niveau des aides versées au Canada soit un élément déterminant.
Les États-Unis, en revanche, aident beaucoup leurs agriculteurs, d'une manière qui entraîne beaucoup de distorsions de concurrence et dont la conformité aux règles de l'OMC est discutable – c'est le moins qu'on puisse dire. Ainsi, en 2018, Trump a introduit de nouvelles aides pour soutenir les agriculteurs américains confrontés aux conséquences négatives des mesures prises contre la Chine.
L'Union européenne n'est donc pas la seule à aider ses agriculteurs. Je souhaite qu'elle continue de le faire : les agriculteurs le méritent car leur revenu, même s'il a augmenté, reste insuffisant. Renforcer la compétitivité de l'agriculture française devrait permettre de l'améliorer.
Quant à l'évolution de la PAC, je suis favorable au maintien d'un système d'aides directes, qui devront inévitablement être davantage corrélées à la protection de l'environnement, à condition d'assurer un bon équilibre avec les autres préoccupations. La France gagnerait en outre à ce que nous instaurions un principe de dégressivité ou de plafonnement des aides par exploitation, notamment dans la perspective de l'adhésion potentielle de l'Ukraine à l'Union européenne.
En revanche, contrairement à ce que certains prétendent, il ne serait pas du tout dans l'intérêt de la France d'instaurer un système d'aides par emploi, d'abord parce que la moitié des agriculteurs européens travaillent en Pologne et en Roumanie, ensuite parce qu'une telle mesure serait très difficile à appliquer : le nombre précis d'emplois agricoles dans chaque État membre n'étant pas connu, le risque de fraude serait réel.