Sur les clauses miroirs, j'ai aussi publié plus récemment une tribune dans Ouest-France.
Les clauses miroirs paraissent a priori tout à fait logiques. Si nous étions en libre-échange total, des clauses miroirs intégrales devraient s'imposer. Mon message est le suivant : si, avec le Mercosur, la libéralisation était totale, avec ou sans clauses miroirs, nous serions totalement écrasés. C'est pour cela qu'il faut se protéger et protéger nos produits sensibles.
Comme M. Jourdain faisant de la prose sans le savoir, nous appliquons en réalité déjà des clauses miroirs partielles : tous les produits qui entrent en Europe, qu'ils soient sous accord commercial ou soumis aux règles simples de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), doivent respecter nos normes sanitaires et phytosanitaires.
Le contrôle du respect de cette obligation est-il suffisant ? Il repose sur chaque État membre, la Commission européenne étant quant à elle responsable de l'audit des systèmes des États membres, mais aussi de l'audit des pays tiers : comme l'a très bien expliqué Mme Lacoue-Labarthe devant vous à propos du certificat sanitaire, il s'agit de vérifier de temps en temps que les garanties données par ces derniers correspondent bien à la réalité. Les moyens consacrés à ces contrôles sont-ils suffisants ? On peut en discuter.
Voilà pour l'aspect sanitaire et phytosanitaire. Pour le reste, sont en jeu le respect des conditions de production et des conditions environnementales. Sur le premier point, je rappelle que l'importation de viande engraissée à partir d'hormones ou d'antibiotiques est strictement interdite en Europe, même s'il n'en subsiste pas de traces. Il faut, là aussi, s'assurer d'avoir les bonnes garanties. En ce qui concerne le respect par les pays tiers de l'interdiction concernant les antibiotiques, il y a un peu de retard à l'allumage. Les règlements applicables aux contrôles viennent seulement d'être adoptés. Il y a encore des progrès à faire.
Nous protégeons beaucoup le secteur agricole pour ce qui est des produits sensibles – à juste titre –, de sorte que les pays tiers ont peu d'accès au marché pour leur production de ce type. Il est difficile de leur demander de respecter entièrement l'ensemble de nos conditions pour un accès aussi limité, y compris les conditions environnementales – sauf celles qui relèvent de l'accord de Paris sur le climat : si le défaut de conditions environnementales suffisantes chez eux est clairement incompatible avec cet accord, alors il y a un problème et ils devraient agir.
Enfin, les aides directes au revenu versées par l'Union européenne aux agriculteurs – 40 milliards d'euros, dont 7 milliards en France – ont pour objectif principal de combler l'écart de coût de production entre les pays tiers et l'Union européenne et le font plutôt largement. De ce point de vue, nous sommes donc couverts, sauf peut-être vis-à-vis du Mercosur – raison pour laquelle, si l'accord est conclu un jour, il faudra y inclure une protection très forte. Elle figure d'ailleurs dans les textes déjà négociés concernant les produits sensibles : les contingents tarifaires pour le bœuf, la volaille et le sucre – les trois produits les plus sensibles – tournent autour de 1 % de la consommation globale de l'Union européenne.
Il existe un plafond global implicite pour les contingents tarifaires applicables aux produits les plus sensibles dans tous nos accords commerciaux bilatéraux, passés, présents et futurs. Ce plafond, de 4 %, n'est pas sorti du chapeau : il correspond aux 4 % que l'Union européenne était prête à mettre sur la table lors de la négociation de l'accord du cycle de Doha – dont j'étais le chef négociateur –, en 2008, et qui avaient été validés par le Conseil des ministres à Genève. Cette négociation étant morte – même si sa mort n'est pas actée, il est clair que jamais plus il n'y aura de négociation tarifaire globale de ce type –, il est évident que nous n'allons pas plus loin que ce à quoi nous étions alors prêts.