C'est une question un peu surprenante, mais intéressante. Je suis très heureux de pouvoir vous expliquer cela.
Je viens d'un milieu rural. Ma famille est issue d'une très longue lignée d'agriculteurs en Champagne – concernant l'agriculture, mon cœur est donc à la fois en Champagne et en Bretagne : d'un côté, céréales et grandes cultures classiques, y compris betterave et sucre ; de l'autre, élevage. J'ai toujours été très intéressé par l'agriculture, en particulier par la politique agricole. Je suis polytechnicien, mais j'ai fait l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts : je suis ingénieur civil du génie rural, des eaux et des forêts. Depuis que je suis étudiant, j'ai toujours rêvé de réformer la PAC. C'était ma vocation.
J'ai eu l'occasion d'exercer un rôle d'influence de plus en plus important, dans différentes fonctions. Entre 1977 et 1981, j'ai été spécialiste de référence des questions de politique agricole au ministère de l'économie et des finances. Je suis entré au cabinet de Jacques Delors, où j'ai vécu la réforme des quotas laitiers. Je l'ai ensuite suivi à Bruxelles, où j'étais son conseiller agricole. Nous avons piloté la première très grande réforme de la PAC, celle de 1992, qui a mis fin à un système de soutien par les prix totalement à bout de souffle – ceux qui voudraient y revenir en ont oublié les effets pervers. À chaque réforme, la Commission européenne a proposé soit une dégressivité, soit un plafonnement des aides par agriculteur, toujours rejetés par le Conseil des ministres – le Parlement n'est colégislateur que depuis 2009 et le traité de Lisbonne.
Quand Jacques Delors est parti, je suis resté à la Commission et j'y ai fait ma carrière, mais j'ai toujours été très indépendant, ce qui m'a parfois valu des critiques de mes collègues français. J'ai toujours fait ma carrière sur la base de la compétence. C'est ainsi que je suis devenu directeur du budget et des finances à la direction générale de l'agriculture, puis directeur général adjoint, en 2000, enfin directeur général, en 2005. En 2011, je suis devenu directeur général du commerce extérieur parce que j'avais fait mes preuves en tant que chef négociateur agricole dans la négociation du cycle de Doha.
Voilà quels ont été mon parcours et ma vocation : j'ai été intéressé par tout cela très tôt et j'ai toujours été d'une grande indépendance d'esprit.