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Intervention de Faneva Tsiadino Rakotondrahaso

Réunion du mardi 7 décembre 2010 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Faneva Tsiadino Rakotondrahaso, maître de conférences en droit public et vice-doyen de la faculté de droit et d'économie de la Réunion :

En tant qu'ancien docteur et thésard, je garde en mémoire les débats de 1975, rappelés par Thomas M'Saïdié, où les sentiments étaient partagés. Certains considéraient la question du maintien de Mayotte au sein de la République comme une question d'honneur, tandis que d'autres – je ne fais que citer le verbatim du Journal officiel de l'Assemblée nationale – se demandaient « s'il fallait compliquer la tâche du gouvernement pour quelques dizaines de milliers de Français dont il faudrait mieux se débarrasser ». Je suis toujours heureux de constater que, dans des commissions parlementaires et des assemblées, ces questions relatives à Mayotte restent vivaces et permettent des discussions.

Comme vous l'avez indiqué en introduction, j'ai proposé de prendre un léger recul par rapport aux deux autres intervenants, chargés d'aborder les questions relatives au droit international. J'ai choisi de me concentrer sur le statut européen de l'île, souvent méconnu mais qui, à mon sens, renferme des potentialités pour la résolution du litige franco-comorien sur Mayotte et pour le développement de l'île. Je vais procéder comme un étudiant, en vous annonçant un plan. Je vais d'abord aborder les statuts européens des territoires d'outre-mer, puis l'implication de ce type de statuts sur Mayotte et, enfin, je terminerai par quelques observations.

En 1957, lors de la mise en place du marché commun, la position française était claire il s'agissait d'intégrer les colonies et de trouver un moyen d'associer ces territoires au futur marché commun. Deux choix ont été proposés à ces territoires. D'un côté, certains territoires étaient amenés à intégrer la République et le marché commun. Les territoires appelés « les quatre vieilles » incluaient ainsi la Réunion, la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, ainsi que l'Algérie avant son indépendance. Certains territoires ont été placés dans un sas de décompression car ils étaient destinés à évoluer vers l'indépendance : ces territoires ont été classés sous l'appellation de « pays et territoires d'outre-mer » (PTOM).

Entre 1957 et 2014, Mayotte appartenait à cette catégorie. Quelles en étaient les conséquences directes ? Le droit de l'Union européenne, autrefois appelé le droit communautaire, ne s'appliquait pas dans ces territoires. De plus, ces territoires n'étaient pas considérés comme européens mais simplement associés à la communauté. Ils étaient assimilés à des États tiers, ce qui signifiait que, jusqu'en 2014, Mayotte était traitée de la même manière que les archipels des Comores par les institutions européennes, notamment en termes de dialogue, de prise en compte et de financement du développement.

Depuis 2014, Mayotte est devenue une région ultrapériphérique. Il est important de préciser que cette transformation n'était pas dictée par la départementalisation. L'île aurait pu rester un PTOM. Par exemple, Saint-Barthélemy possède ce statut de région ultrapériphérique et Saint-Martin le possède sur une partie de l'île. La départementalisation ne signifiait donc pas automatiquement une inclusion au sein de l'Union européenne. Cependant, cette inclusion a été décidée. Pourquoi cette situation change-t-elle ? Depuis 2014, Mayotte est une région ultrapériphérique, donc une région européenne.

Convoiter un territoire non européen est une chose mais convoiter un territoire européen en est une autre. C'est pourquoi je m'étonne du silence de l'Union européenne et des différentes instances sur cette question. En tant que région européenne, Mayotte bénéficie de l'application du droit de l'Union, certes adaptée mais pleine et entière. De plus, l'île profite des fonds et des subventions européens, ce qui a considérablement augmenté le financement de son développement. Entre 2008 et 2014, en tant que pays et territoire d'outre-mer, Mayotte percevait 22 millions d'euros de fonds européens. Pour la période 2020-2027, ce montant s'élève à 470 millions d'euros. Cela démontre que le statut de région ultrapériphérique favorise le développement de ce territoire.

Sur les points d'attention, notamment en lien avec les relations entre les Comores et Mayotte, le statut européen permet d'envisager le développement économique de ces territoires. Trois éléments ont été envisagés. Premièrement, la gestion des fonds européens à Mayotte. Deuxièmement, le rôle de Frontex, sujet d'intérêt pour votre commission, notamment à travers les rapports de M. le président Laurent Marcangeli et Mme Estelle Youssouffa. Troisièmement, le programme Interreg.

Concernant la gestion des fonds européens, le passage au statut européen a considérablement augmenté les fonds à gérer par Mayotte. Actuellement, cette gestion est assurée par un groupement d'intérêt public (GIP), piloté tantôt par le préfet, tantôt par le président du conseil départemental. Cette structure assure la pérennité et la stabilité des fonds européens et du développement de Mayotte. En ce qui concerne Interreg, la coopération territoriale européenne est mobilisée à travers ce programme, financé en partie par le fonds européen de développement régional. Ce programme permet aux régions ultrapériphériques de coopérer avec les pays et territoires voisins. Ce fonds devrait permettre à Mayotte de coopérer, notamment, avec l'État des Comores. Il existe également le programme Interreg qui, dans le canal du Mozambique, facilite la coopération entre les Seychelles, la Tanzanie, le Mozambique, Mayotte et les Comores. Cela entraîne certaines contradictions, à mon sens, car comment l'archipel des Comores pourrait-il accepter de coopérer avec un territoire qu'il considère comme sien ? Il s'agit d'un point de négociation pour l'État français. Une conditionnalité pourrait être mise en œuvre. J'ai expliqué que le versement des fonds européens pourrait être conditionné à une réaction plus cohérente des institutions européennes sur cette question territoriale. Deuxièmement, la coopération territoriale européenne nécessite l'implication des institutions européennes. Ces institutions doivent porter la voix de l'Union européenne, et non seulement celle de la France.

Concernant Frontex, je rappelle que les territoires ultramarins des États membres ne font pas partie de l'espace Schengen. Les accords de Schengen ne s'appliquent pas dans ces régions ultrapériphériques et elles ne sont donc pas intégrées dans le périmètre de l'agence européenne Frontex. Frontex a pour mission d'intervenir sur l'ensemble de l'espace Schengen afin de garantir la sécurité aux frontières extérieures de l'Union européenne. Bien que cela ne soit pas prévu, ce n'est pas pour autant interdit. Une mobilisation parlementaire et gouvernementale serait nécessaire pour que le champ géographique des opérations de retour des migrants irréguliers inclue Mayotte car aucun texte juridique ne l'interdit actuellement. Il serait également envisageable de mobiliser le Fonds asile, migration et intégration (FAMI), qui vise à contribuer à une gestion efficace des flux migratoires. Une réaction gouvernementale et parlementaire permettrait d'intégrer ces dispositifs au bénéfice de Mayotte. Voilà ce que je peux indiquer à ce stade.

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