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Intervention de Nabil Hajjami

Réunion du mardi 7 décembre 2010 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Nabil Hajjami, sous-directeur du droit international public à la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Comme vous l'avez indiqué, ma tâche consiste à rappeler les fondamentaux de la position des autorités françaises concernant le statut de Mayotte au regard du droit international public. Mon propos sera concis et se concentrera sur les grandes lignes de notre position juridique. En tant que sous-directeur du droit international public, ma compétence se limite à l'exposé du cadre juridique, et je ne traiterai pas des enjeux politiques ou géopolitiques.

Sur le fond, la France considère que l'indépendance des Comores et le maintien de Mayotte au sein de la République française se sont réalisés en parfaite conformité avec les principes et les règles du droit international de la décolonisation. Une clé de compréhension de la situation réside dans le processus qui s'est déroulé en 1974 et 1975. De ce processus, il ressort que l'on ne peut pas considérer que Mayotte se serait détachée d'un État indépendant ou d'un territoire colonial unifié et reconnu par la communauté internationale.

En effet, les Mahorais ont librement et clairement refusé l'indépendance choisie par les autres îles de l'archipel des Comores lors du référendum d'autodétermination du 22 décembre 1974. Immédiatement après ce référendum, un dialogue s'est engagé entre Paris et Moroni pour trouver une solution concernant Mayotte et le différend qui se profilait entre la France et les Comores.

Cependant, ce dialogue a été interrompu par la déclaration unilatérale d'indépendance du 6 juillet 1975 de l'État comorien. Depuis, les Mahorais ont été consultés à plusieurs reprises et se sont toujours prononcés massivement en faveur du maintien au sein de la République française. À la suite du référendum de 2009, Mayotte est devenue un département français, impliquant une assimilation normative au territoire de la République. Une autre illustration de la volonté persistante de la population mahoraise de demeurer pleinement française au sein de la République réside dans le fait qu'aucun candidat partisan du rattachement de Mayotte aux Comores n'a jamais été élu. Aucun parti politique ne se présente aujourd'hui comme favorable à un tel rattachement.

La France, dans le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, principe fondamental du droit international public découlant de l'article 1er et de l'article 55 de la Charte des Nations Unies, ainsi que de divers textes internationaux et de la jurisprudence de la Cour internationale de justice, a pleinement pris en compte la volonté du peuple mahorais. Celui-ci a maintes fois réaffirmé son désir d'exercer son droit à disposer de son avenir.

Contrairement à une idée souvent véhiculée à tort, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ou droit à l'autodétermination, n'implique pas nécessairement un droit à l'indépendance. Les textes internationaux précisent que le droit à l'autodétermination peut s'exercer selon différentes modalités, l'indépendance n'étant qu'une de ces modalités. Un peuple peut parfaitement exercer ce droit en choisissant librement d'autres statuts, y compris celui du rattachement complet à un autre État souverain. Il est essentiel de clarifier ce point car il est souvent compris que le droit à l'autodétermination serait synonyme de droit à l'indépendance, ce qui est partiellement inexact. Ce droit s'exerce selon une vaste palette de modalités, allant de l'intégration pleine et entière à l'indépendance totale, avec de nombreux mécanismes intermédiaires possibles. La France considère que les Mahorais ont pleinement exercé ce droit.

Depuis l'admission des Comores à l'Organisation des Nations Unies, le 12 novembre 1975, la France est restée constante dans ses principes. Tout en respectant la volonté de la population de Mayotte, elle a également veillé au respect de l'intégrité territoriale de l'État comorien. En 1997, la France a refusé la demande de rattachement de l'île d'Anjouan, en soulignant son attachement à « l'intégrité territoriale de la République fédérale islamique des Comores ». En 2008, elle a également soutenu politiquement et logistiquement l'opération de l'Union africaine visant à restaurer l'autorité de l'État comorien à Anjouan.

La déclaration sur l'amitié et la coopération entre la France et les Comores, signée à Paris le 21 juin 2013, vise à refonder les relations bilatérales malgré le différend historique entre les deux pays. Un dialogue politique bilatéral renforcé est mené, abordant toutes les questions relatives à Mayotte, et la France accorde une grande importance à ce canal de discussion. Les deux nations sont engagées dans une coopération responsable et essentielle pour les populations concernées.

Le différend entre la France et les Comores au sujet de Mayotte soulève la question du statut et de la portée du principe de l'intangibilité des frontières issues de la colonisation, également connu sous le nom de uti possidetis juris. Ce principe, reconnu par la jurisprudence de la Cour internationale de justice, est utilisé par les Comores pour justifier leurs revendications de souveraineté sur Mayotte.

Cependant, nous estimons que ce principe ne peut écarter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ou leur droit à l'autodétermination. Ce droit est un principe fondamental du droit international, que la Cour internationale de justice a qualifié d'opposable erga omnes, signifiant qu'il est opposable à tous les États, lesquels sont tenus de l'appliquer et de le respecter. C'est sur le fondement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes que les référendums d'autodétermination de 1974 et 1976 ont été organisés, conduisant la population de Mayotte à se prononcer massivement en faveur du maintien dans la République, une volonté que les autorités françaises ne pouvaient ignorer.

Je souhaite enfin revenir sur l'avis rendu par la Cour internationale de justice en 2019 concernant le processus d'autodétermination de l'archipel des Chagos dans le cadre du différend entre Maurice et le Royaume-Uni. Cet avis consultatif affirme le principe de l'intangibilité des frontières coloniales et celui de l'intégrité territoriale des entités coloniales.

Dans le cas de Mayotte, deux éléments plaident contre une transposition ou une application de ce principe. Premièrement, des considérations historiques montrent que l'appartenance de Mayotte à l'entité comorienne n'est pas évidente. En retraçant l'histoire de Mayotte avant et pendant l'ère coloniale, divers historiens ont démontré que ce rattachement n'est pas évident sur les plans historique, linguistique et politique. Deuxièmement, la France attache une grande importance à la volonté librement exprimée des populations concernées. Cette volonté, exprimée à plusieurs reprises de manière claire et non équivoque, doit être mise en balance avec le principe de l'intégrité territoriale des entités coloniales. Ainsi, dans le cas de Mayotte, ce principe ne saurait s'appliquer.

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