J'étais alors membre du groupe Socialiste, écologiste et républicain. Il ne s'agissait pas pour autant de refuser un accord avec le Canada, avec lequel nous avons des liens d'amitié très forts, ni de nous opposer aux États ; il s'agissait d'émettre un message d'alerte quant aux conditions dans lesquelles, à l'époque, le CETA pouvait être négocié et mis en œuvre. J'ai donc signé la saisine – bon nombre de députés socialistes me l'ont d'ailleurs rappelé lorsque j'étais ministre –, mais j'ai pu, avec les services du Premier ministre et en interministérialité, préparer les conditions de négociation des accords du CETA.
L'élu normand que je suis peut vous dire qu'aujourd'hui, cet accord sert parfaitement les intérêts de la filière laitière française. Trois grandes coopératives marquantes du paysage industriel, agro-industriel et agricole de la Normandie affichent à cet égard des chiffres impressionnants. Il en va de même pour le fromage et, bien sûr, pour les vins et spiritueux. J'échange régulièrement avec l'ambassadeur du Canada, et je l'ai fait hier encore. Il se trouve que le Canada n'a pas souhaité exporter de viande, du moins vers la France, considérant qu'il a d'autres domaines d'intérêt dans ses relations avec notre pays et que ses modes d'élevage ne correspondent pas tout à fait à nos modèles et à nos standards. De fait, les volumes de viande importés du Canada en France correspondent à peine à la valeur d'un steak haché par habitant ou par famille. Le CETA a donc produit un solde positif.
Je ne pouvais pas dire au Premier ministre que, puisque j'avais signé une saisine du Conseil constitutionnel, je ne pouvais pas travailler à la mise en œuvre d'un accord avec le Canada ! Lorsqu'on est en responsabilité, on assume cette responsabilité. Mais celle-ci me mettait aussi en situation d'éviter que ne se réalisent les effets négatifs qui nous avaient fait alerter le Conseil conditionnel. C'est ce que montrent aujourd'hui les résultats de l'accord que nous avons conclu. Il faut néanmoins rester attentifs à la manière dont nous travaillons et négocions nos accords internationaux, qui doivent correspondre en tout point aux règles que nous nous fixons à nous-mêmes et à nos standards sanitaires et commerciaux.