Nous avons déjà eu cet échange dans le cadre de la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires, à laquelle vous participiez. Il est vrai que nous avons vécu alors une période de tension avec le MTES, le ministère de la transition écologique et solidaire. Les objectifs étaient communs : il s'agissait de la feuille de route du Président de la République, projet politique avec lequel j'étais pleinement en phase. Nommé ministre, je devais tout simplement appliquer cette feuille de route.
Dans la mise en œuvre, toutefois, les opinions ou la manière de faire peuvent parfois diverger. Je considérais que nous devions accompagner l'agriculture dans les transitions et, selon cette expression que mon histoire politique me fait apprécier, « laisser du temps au temps ». Il fallait en effet laisser du temps à l'agriculture car les transitions devaient être soutenables financièrement, économiquement et techniquement. Ainsi, lors des débats que nous avons eus en septembre 2018 sur la loi Egalim, certains amendements visaient à l'interdiction de la poule en cage au 1er janvier 2019. Or, si l'on peut souscrire à l'objectif d'interdire l'élevage de poules en cage au titre du bien-être animal et d'une agriculture de meilleure qualité, il faut toutefois laisser aux agriculteurs le temps de se retourner. Il en va de même pour les productions industrielles. Les débats ont donc été marqués par des désaccords, non sur le fond, mais sur la méthode, sur la manière d'atteindre les objectifs.
Mon expérience de l'engagement dans l'action politique m'a appris que ce sont là des débats que l'on peut connaître à plusieurs niveaux, notamment au niveau régional, entre vice-présidents chargés respectivement de l'agriculture et de l'environnement : il ne s'agit pas nécessairement de désaccords frontaux mais il est parfois nécessaire de trouver des compromis. Il est arrivé de tout temps, et il arrivera encore, que le ministère de l'agriculture et le ministère de l'environnement n'aient pas tout à fait la même lecture de certaines situations. L'objectif de chacun est de trouver les compromis nécessaires. Faute de compromis, comme cela a pu être le cas à l'époque avec le MTES, un arbitrage est rendu par le Premier ministre ou par le Président de la République – par chance, ce dernier suivait alors particulièrement le dossier agricole, et il continue à le suivre de très près. Au-delà des divergences, qui peuvent tenir aussi aux personnes qui sont à la tête des ministères, il faut retenir ce que nous avons fait. Et les agriculteurs nous ont dit, lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole (PLOA), qu'ils souhaitent qu'Egalim puisse s'appliquer – ce qui n'est pas le cas pour d'autres lois parfois anciennes comme la loi de modernisation de l'économie (LME), dont ils demandent, sur le terrain, l'abrogation.