On sait bien qu'on n'avance pas tout seul, mais la France peut avoir l'ambition – qui lui est parfois reprochée – de montrer le chemin. Nous étions au début d'un quinquennat, moment où il faut poser des marqueurs politiques. Un candidat est élu avec un programme et une ambition politiques dont les ministres sont chargés d'exécuter la feuille de route. Au niveau européen, l'année 2019 devait voir une nouvelle programmation, de nouvelles élections, un nouveau Conseil, et le rôle de la France était de montrer le chemin en engageant une dynamique. C'est le sens de l'action que nous avons menée en 2017 et 2018, en vue de préparer les autres pays européens et en leur demandant de nous suivre dans certains domaines. Si nous avions voulu que la montée en gamme ne concerne que la France, pourquoi aurions-nous pris le temps de faire le tour de toutes les capitales européennes pour faire la promotion ce que nous faisions dans notre pays ? Nous voulions entraîner les autres derrière nous parce que nous considérions que le meilleur moyen de protéger l'agriculture européenne était de la tirer tout entière vers le haut. Comme partout, en politique, dans les associations ou à toutes les étapes de la vie des entreprises, il faut quelqu'un pour prendre le lead, pour prendre son bâton de pèlerin, si j'ose dire, pour montrer aux autres ce que l'on peut faire ensemble et la manière d'y parvenir ; rester chez soi et gérer les affaires courantes n'était pas un objectif pour nous. Nous voulions affirmer et réaffirmer, devant une situation internationale déjà complexe, une vision européenne de la souveraineté en matière d'agriculture. La France, plus grande et plus ancienne nation agricole, devait porter ce message.
Quand on s'engage sur le chemin, certains peuvent rester à la traîne et créer ce que vous appelez des distorsions de concurrence. Notre ambition est de réduire ces distorsions pour atteindre une cohérence européenne. Mais l'Europe avance à vingt-sept ; c'est un paquebot qui ne se mène pas à la godille : il faut du temps pour lui faire prendre un virage, et celui de la transition est essentiel. Nous sommes bien conscients qu'en montrant le chemin nous ne sommes pas toujours certains d'être suivis, mais nous n'étions pas seuls, nous avions des partenaires solides qui faisaient confiance à la France en raison de son image parmi les pays européens, en raison aussi du nouveau gouvernement et du nouveau président qui venaient d'arriver. De nombreux pays européens regardaient ce qui se passait en France et c'était pour nous l'occasion de prendre la main.