J'ai signé trente-cinq de ces plans, avec les filières les plus importantes de France et d'Europe – porcine, bovine et laitière – comme avec de toutes petites filières telle celle de la noisette. Je me souviens parfaitement des négociations auxquelles ils ont donné lieu car, lorsque vous êtes ministre de l'agriculture, vous servez généralement de punching-ball à l'ensemble des acteurs de l'interprofession, dont les intérêts sont différents.
Ce que nous demandions aux filières, c'était des plans de progrès et d'accompagnement, d'une certaine manière de la planification – la vraie, pas celle qui avait été le modèle des pays de l'Est. Il s'agissait de déterminer des démarches de progrès en matière de bien-être animal, de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires ou d'agriculture biologique. Par exemple, à peine 1 % de la production de la filière porcine était biologique. La filière s'était engagée à passer à 2 % à l'horizon 2022. Cela reste peu, mais nous avons essayé d'obtenir des progrès qualitatifs dans chacune des filières.
Nous leur avons aussi demandé de travailler sur les débouchés à l'exportation. C'est comme cela que nous avons pu rouvrir la route des exportations de viande bovine avec la Turquie et avec la Chine, qui étaient fermées depuis un certain nombre d'années. C'est également ce que nous avons fait pour les fruits et légumes dans d'autres pays.
Les plans de filières comportaient donc des objectifs quantitatifs et qualitatifs, mais aussi des perspectives de débouchés pour l'ensemble des agriculteurs. Ils tenaient compte également des objectifs fixés dans la loi, afin de prévoir comment allait s'organiser une filière pour répondre à l'obligation de servir 50 % de produits sous signe de qualité, dont 20 % de produits bio, dans la restauration collective.
Nous avons parfois eu des discussions difficiles avec certaines filières ou interprofessions. Lorsque nous avons demandé que les races mixtes, c'est-à-dire les vaches qui produisent du lait et de la viande, puissent intégrer l'interprofession de la viande, cela n'a pas été facile car il s'agissait de faire entrer de nouveaux acteurs dans un marché concurrentiel sur plusieurs bassins. Nous avons eu aussi des désaccords, notamment, dans la filière bovine, sur la question des indicateurs : en fallait-il un pour les coûts de production par bassin, un pour la viande hachée et un autre pour tout le reste ? Il a fallu lever ces questions et l'État avait alors un rôle de médiation pour parvenir à tracer des perspectives positives pour l'ensemble des filières.