C'était assez embryonnaire à ce moment-là.
Nous nous consacrions alors à la mise en œuvre des conclusions des états généraux de l'alimentation, avec la discussion de la loi Egalim, qui nous a beaucoup occupés, et la mise en place des plans de filières. Ces plans présentaient tous un volet national, mais aussi un volet international et européen, chacune des filières – et particulièrement les plus grandes – ayant vocation à commercer avec d'autres pays.
Nous avions commencé à travailler sur ce qui allait devenir la stratégie « De la ferme à la table », mais nous n'en étions qu'au stade des réunions techniques et pas encore à celui des réunions politiques proprement dites.
Il a fallu d'abord travailler sur la maquette financière de la PAC et la France a joué un rôle majeur sur ce point. La maquette qui avait été présentée pour la législature qui allait s'ouvrir n'était pas satisfaisante puisque l'agriculture était remisée à la neuvième place parmi les priorités budgétaires de l'Union européenne. Avec d'autres, la France, grande nation agricole, a considéré qu'il fallait que la PAC reprenne la place qu'elle avait toujours occupée, c'est-à-dire parmi les cinq premières priorités – notamment parce que nos agriculteurs ont besoin des financements qui nous reviennent au titre de la PAC.
J'ai appelé six de mes homologues avec lesquels j'entretenais des relations plutôt cordiales. Trois jours plus tard, nous nous réunissions à Madrid avec les ministres espagnol, allemand, portugais, irlandais et finlandais – ce qui nous a un peu surpris s'agissant de ce dernier, car les pays du Nord sont généralement qualifiés de « frugaux » lorsqu'il s'agit de finances européennes et ne sont pas forcément des alliés des pays du Sud sur cette question. Mais nous avions su tisser un lien particulier avec la Finlande, reposant sur le respect mutuel, de sorte qu'elle a décidé de nous suivre. Nous avons donné une conférence de presse à Madrid pour exprimer notre désaccord profond et nous avons été suivis ensuite par plus de vingt-deux pays, qui ont signé la charte que nous avions proposée.
Cette action menée au premier chef par la France a permis de rendre à la PAC la place qu'elle mérite parmi les cinq principales priorités politiques européennes. Nous nous sommes battus pour obtenir un budget en mesure d'assurer les transformations de l'agriculture et de donner corps à une volonté politique qui allait déboucher sur la stratégie « De la ferme à la table » votée ensuite par le Parlement européen.