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Intervention de Philippe Berta

Réunion du jeudi 30 mai 2024 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, député, rapporteur :

. – Je termine cette présentation avec le sujet de la désinformation en santé.

La circulation de fausses informations n'est pas une problématique récente. Elle a toutefois pris une importance nouvelle au cours de la pandémie. En raison du déficit d'informations fiables et du sentiment d'anxiété de la population, les crises s'avèrent particulièrement propices à la circulation de fausses informations qui sont, du fait du contexte, à même d'emporter de lourdes conséquences sanitaires.

La pandémie de covid-19 est intervenue dans un cadre informationnel nouveau. Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication a entraîné une augmentation rapide et massive du volume d'informations échangées. L'OMS évoque une « infodémie », c'est-à-dire une surabondance d'informations rendant difficile l'identification des sources fiables. Cette situation a nui à la compréhension et à l'adoption des mesures sanitaires et, par conséquent, à la santé publique. En permettant à tout un chacun de s'exprimer avec une liberté quasi totale, les réseaux sociaux contribuent à cette cacophonie et fournissent un mode d'expression aux désinformateurs qui n'avaient jusqu'alors que peu voix au chapitre. S'emparant de cette opportunité, ces derniers sont à l'origine d'une part importante du contenu disponible sur ces réseaux. Ils bénéficient d'une visibilité et d'un pouvoir d'influence disproportionnés au regard de leur légitimité.

Cette surexpression des désinformateurs est accentuée par l'éditorialisation des contenus par les plateformes, qui privilégient des contenus sensationnels et clivants, plus à même de créer de l'engagement parmi les utilisateurs. Les réseaux sociaux agissent alors comme un miroir déformant qui renforce la visibilité d'individus aux positions extrêmes, pourtant peu représentatifs de la société dans son ensemble.

En proposant principalement des contenus en accord avec les préférences individuelles, les algorithmes des réseaux sociaux ne permettent pas la confrontation d'idées et la remise en question critique des informations rencontrées. Au contraire, ils sont susceptibles d'enfermer les utilisateurs dans des bulles numériques qui peuvent laisser croire à l'existence d'un consensus.

Les réseaux sociaux ont donc probablement contribué à la désinformation pendant la crise sanitaire. Pour autant, ces fausses informations peinent généralement à atteindre un large public et touchent principalement des personnes déjà convaincues ou enclines à les accepter. Les fausses informations ne représenteraient finalement qu'une faible part des informations consommées par les internautes, qui consultent principalement des sources fiables et conservent une bonne capacité de discernement. Si la contribution des réseaux sociaux à la désinformation est indéniable, il est nécessaire de nuancer leur rôle et de reconnaître l'implication d'autres acteurs, tels que les médias plus traditionnels et les autorités politiques.

Plus que la circulation de fausses informations sur les réseaux sociaux, c'est la légitimation de ces discours par des acteurs bénéficiant d'une plus forte audience qui est susceptible d'avoir un impact important en termes de désinformation. Les médias traditionnels, les scientifiques et les professionnels de santé qui bénéficient d'une forte confiance de la population jouent un rôle important au travers de la parole qu'ils portent.

Les travaux de recherche sur la désinformation montrent que l'acceptation des fausses informations se bâtit sur un terreau alimenté par un déficit d'informations et une méfiance envers les sources officielles. Le manque de connaissances scientifiques et médicales – très prononcé en France – augmente la sensibilité aux fausses informations, qui est également corrélée à la sensibilité aux croyances ésotériques et paranormales et aux médecines alternatives. Divers moteurs psychologiques, incluant des facteurs cognitifs et socio-affectifs, accroissent la susceptibilité à la désinformation. Les désinformateurs instrumentalisent ces moteurs psychologiques en faisant appel à une démagogie cognitive, en proposant des récits en accord avec les prédispositions individuelles et en mobilisant les facteurs et biais susceptibles d'encourager leur acceptation.

Pour lutter contre cette désinformation, il apparaît donc crucial de développer la culture scientifique et sanitaire à destination du plus grand nombre, en fournissant des informations claires, fiables et adaptées. Il est important de construire une confiance envers les institutions et les sources fiables d'information, ce qui suppose de diffuser une information de confiance. Les acteurs influents en termes d'information, les scientifiques, les professionnels de santé, les médias et les décideurs politiques doivent être formés afin de communiquer de manière pédagogique et rigoureuse les connaissances scientifiques.

Ces actions d'information doivent être déclinées pour cibler les sous-groupes de population susceptibles d'être touchés par ces fausses informations. Les différentes plateformes doivent également être encouragées à mieux faire face à cette problématique en modifiant leurs algorithmes, en modérant plus sévèrement leurs contenus et en sensibilisant à la littératie numérique.

Les actions d'information ne doivent pas s'inscrire qu'en réaction aux fausses informations, mais inclure des actions d'éducation préventives et de fond. À cet effet, il est essentiel de renforcer la formation de la population à l'esprit critique et à la démarche scientifique, à travers l'éducation aux médias, à l'information, à la littératie sanitaire et à la culture scientifique, à l'aide de politiques publiques claires et ambitieuses.

Nous recommandons donc :

 d'améliorer la communication scientifique :

- en développant des canaux fiables d'information, en lien avec les organismes de recherche, les sociétés savantes et les académies ;

- en encourageant la mise au point de supports pédagogiques clairs et des initiatives destinées aux publics les plus susceptibles d'être touchés par ces fausses informations ;

- en fournissant des informations et des formations fiables aux journalistes ;

 de former les scientifiques et les professionnels de santé à la communication scientifique grand public et à la réponse aux fausses informations, d'encourager et d'accompagner les volontaires à s'exprimer dans les médias dans leur seul domaine d'expertise, à travers une approche rigoureusement scientifique ;

 lorsque des questions scientifiques apparaissent dans le débat public, d'encourager une communication transparente, pédagogique et clairement séparée de la communication scientifique ;

 de mettre en place des politiques éducatives dès l'école primaire pour promouvoir la culture scientifique et le sens critique à l'égard des médias et de l'information ;

 d'améliorer le traitement médiatique des sujets scientifiques, d'encourager les réseaux sociaux à mener des actions pour limiter la diffusion des fausses informations et de sanctionner les dérives susceptibles d'avoir des conséquences dommageables pour la santé publique ;

 d'encourager les recherches sur la mésinformation et la désinformation.

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