. – Je vais à présent évoquer la thématique du covid long.
Bien que cette maladie ait été identifiée dès la première vague épidémique et qu'elle soit associée à un lourd impact en termes de santé publique, elle demeure mal comprise et continue de pâtir d'une faible attention. Aujourd'hui, aucune définition harmonisée n'existe. Faute d'identification d'un symptôme ou d'un marqueur spécifique, le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments ou un processus différentiel. Plus de 200 symptômes potentiels sont associés à cette maladie. Ils touchent de nombreux organes, sont relativement hétérogènes et caractérisés par une grande fluctuation dans le temps. Outre les risques de sous-diagnostic et de retard de prise en charge, cette situation complexifie l'acquisition des connaissances sur les dimensions épidémiologiques, physiopathologiques, thérapeutiques, médico-économiques et sociales de la maladie.
La prévalence du covid long continue de faire l'objet d'incertitudes. On estime qu'il touche, chez les adultes, 10 à 30 % des cas non hospitalisés et 50 à 70 % des cas hospitalisés. Les dernières études suggèrent des proportions similaires chez les enfants et adolescents. Si dans la majorité des cas, l'état des patients semble progressivement s'améliorer, la dynamique de cette évolution et les facteurs sous-jacents demeurent encore largement méconnus.
Le Comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars) considère qu'en France, plusieurs centaines de milliers de personnes seraient actuellement affectées dans leur vie quotidienne. Avec l'évolution de la pandémie, la prévalence de cette maladie aurait baissé, sans doute en raison de ses caractéristiques intrinsèques, des nouveaux variants et de l'immunité de la population. En effet, la vaccination permettrait de diminuer significativement le risque de covid long en cas de contamination.
Malgré de nombreuses recherches, le mécanisme à l'origine du covid long reste inconnu ; plusieurs hypothèses sont explorées. L'explication « somatoforme » – c'est-à-dire d'une maladie qui résulterait d'une psychosomatisation – semble récusée par la majorité de la communauté scientifique.
La mauvaise compréhension du mécanisme de la maladie ne permet pas d'identifier de cible thérapeutique et complexifie le développement de traitements curatifs. Plusieurs essais cliniques sont toutefois en cours. La stratégie thérapeutique recommandée par la HAS repose actuellement sur quatre axes : des traitements symptomatiques pour atténuer les symptômes qui peuvent l'être ; l'éducation des patients afin qu'ils adaptent leurs activités et leur environnement à leurs symptômes ; une approche rééducative dans les différents domaines fonctionnels touchés par la maladie ; la prise en charge des troubles anxieux et dépressifs des patients concernés.
Malgré l'effort de structuration de l'offre de soins, les parcours restent souvent mal organisés. L'offre est trop peu lisible, tant pour les patients que pour les professionnels de santé, dont la formation et l'information sur le covid long sont insuffisantes.
Cette situation entraîne un manque de reconnaissance des souffrances, une certaine errance médicale qui génère un sentiment d'abandon, voire de stigmatisation. Le covid long s'accompagne parfois de conséquences invalidantes pour la vie individuelle, familiale et professionnelle des malades. Les études menées chez les enfants et les adolescents suggèrent également des conséquences du point de vue scolaire. Dans ce contexte, les médecins du travail et scolaires ont un rôle crucial à jouer pour accompagner ces patients.
Des dispositifs de prise en charge sanitaire et sociale adaptés et facilement accessibles doivent être mis en place. Alors que l'attention de la société se détourne progressivement de la covid-19, il paraît impératif de continuer à étudier le covid long. Deux ans après la publication de notre dernier rapport, nous constatons que les quatre leviers que nous avions identifiés – parcours de soins organisés et structurés, formation et accompagnement des professionnels de santé, information pour les patients et dispositifs de reconnaissance adaptés – restent prioritaires.
Outre la nécessité de campagnes d'information à destination des communautés médicales et paramédicales, il est essentiel de sensibiliser l'ensemble de la population à la réalité du covid long afin d'éviter toute discrimination des patients et de mettre en place une démarche de prévention. Les recherches sur cette maladie doivent être poursuivies et encouragées afin de pouvoir mieux la comprendre, la suivre et la traiter.
Aussi, nous recommandons de :
développer et harmoniser les parcours de soins pour covid long sur l'ensemble du territoire ;
mettre en place la plateforme de référencement et de prise en charge des maladies chroniques contre la covid-19, prévue par la loi du 24 janvier 2022 ;
former et informer les professionnels médicaux et paramédicaux sur le covid long et les méthodes de diagnostic et de prise en charge médicale et sociale ;
renforcer le rôle des cellules de coordination post-covid pour l'ensemble des soignants ;
créer une infection de longue durée et un tableau de maladies professionnelles spécifiques pour les formes prolongées de la covid-19 ;
mener une campagne nationale d'information, de sensibilisation et de prévention ;
poursuivre les recherches transdisciplinaires en finançant notamment de nouveaux appels à projets dédiés.