La Drees est le service statistique ministériel couvrant les politiques sanitaires et sociales. À ce titre, elle est aujourd'hui sous la tutelle principale de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, même s'il existe une double tutelle avec le ministère chargé des finances.
En tant que service statistique ministériel, nous produisons diverses statistiques et études, notamment dans le domaine de la santé et plus spécifiquement dans le secteur hospitalier.
L'objectif principal de cette commission d'enquête est d'examiner les tensions actuelles que connaît l'offre de soins hospitaliers. La question centrale pour notre service statistique est de déterminer quels types d'indicateurs nous pouvons mobiliser pour dresser un panorama précis de la situation.
Pour développer des indicateurs sur l'offre de soins et les tensions associées, plusieurs approches peuvent être envisagées. Certaines sont bien couvertes par la Drees, tandis que d'autres le sont moins, principalement en raison de difficultés méthodologiques que je vais tenter de vous expliquer.
Nous couvrons bien évidemment le panorama de l'offre de soins, qu'il s'agisse de soins de ville ou, en l'occurrence, de soins en établissements de santé. Depuis de nombreuses années, la Drees a en charge une enquête annuelle appelée « Statistique annuelle sur les établissements de santé » (SAE).
Cette enquête interroge chaque année l'ensemble des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, lucratifs ou non. Elle permet de décrire l'évolution du nombre de structures, le type de services offerts à la population sur l'ensemble du territoire, ainsi que les capacités des établissements, notamment le nombre de lits et leur évolution dans le temps.
Nous publions également des indicateurs sur le nombre de séjours, leur durée et le nombre de spécialisations partielles. Je pourrai entrer dans le détail si vous le souhaitez.
Cette enquête, initialement administrative, a évolué vers une version statistique. En effet, bien que les taux de réponse soient excellents, il demeure nécessaire de retravailler les données d'un point de vue statistique.
Cet outil de travail est indispensable pour nos collègues de la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il fournit des renseignements très détaillés, car l'enquête se déroule au niveau des établissements.
Nous mettons à disposition la base administrative et la base statistique retravaillée pour le grand public. Sur cette base statistique annuelle, nous publions de premiers éléments décrivant l'évolution des lits, généralement à la fin de l'année suivante.
Pour illustrer mon propos, l'enquête réalise une photographie de l'état de l'offre de soins hospitalière à la fin décembre de chaque année N. La collecte des données se fait durant le premier semestre jusqu'à l'été et nous publions les premiers résultats à l'automne. Ensuite, nous diffusons des résultats plus détaillés et un ouvrage intitulé Panorama sur les établissements de santé, habituellement à l'été n + 2 pour une photographie prise en décembre n. Nous publierons donc en juillet prochain un panorama des établissements de santé retraçant une photographie précise de l'état de l'existant à fin 2022. Cette photographie est toujours légèrement datée, mais c'est inhérent au temps nécessaire à la statistique. Cette base permet de décrire de manière très fine le territoire et fournit de nombreuses autres informations.
Un deuxième indicateur pour décrire l'offre et les éventuelles tensions ou difficultés d'accès est le concept d'« accessibilité potentielle ». L'accessibilité potentielle consiste à rapporter une offre de soins à un besoin potentiel de soins. La méthode la plus simple consiste à ramener cette offre de soins localisée à la population dans le même bassin de vie.
Pour affiner l'analyse, nous devons également considérer la structure démographique de la population, notamment l'âge, qui varie selon les régions. Cette variation influence l'offre potentielle de soins, car les personnes âgées sont statistiquement plus nombreuses à nécessiter des hospitalisations.
La Drees élabore des indicateurs sophistiqués d'accessibilité potentielle aux soins primaires en ville, tels que l'accès aux médecins généralistes et à d'autres professions médicales libérales. Pour mesurer la demande adressée à un médecin généraliste, une méthode relativement simple consiste à compter les consultations. Ces statistiques, bien que périphériques à notre sujet, sont publiées annuellement par la Drees sous forme d'indicateurs d'accessibilité potentielle localisée. Ces indicateurs permettent de mesurer, à l'échelle locale, le nombre de consultations accessibles par an, en tenant compte de la structure démographique. Ils donnent lieu à des analyses et des commentaires autour de la thématique des déserts médicaux.
En ce qui concerne l'offre de soins hospitalière, le degré de sophistication des mesures d'accessibilité potentielle est moindre, et ce pour des raisons fondées. En effet, les besoins hospitaliers de la population nécessitent une segmentation très fine, car les services requis varient selon les pathologies. De plus, la structuration de l'offre hospitalière présente un gradient géographique significatif.
Il est donc plus pertinent de décrire la géographie des offres hospitalières, des établissements et des lits d'un point de vue régional, départemental ou par bassin de vie, sans descendre à un niveau aussi détaillé que celui que nous utilisons pour les médecins généralistes, qui va jusqu'à l'échelle communale. Cela n'aurait pas nécessairement beaucoup de sens sur le fond.
En termes d'accessibilité, nous publions et mettons à disposition divers indicateurs, utiles pour rapporter l'offre de soins hospitalière à une échelle géographique adéquate à la population résidente.
Ensuite, un troisième type d'indicateur d'intérêt concerne les conditions effectives d'accès. Il est essentiel de distinguer l'accès aux soins non programmés par rapport aux soins programmés.
Pour les soins programmés, idéalement, nous souhaiterions disposer d'indicateurs tels que le délai entre le moment où un patient a besoin d'un soin programmé et le moment où ce soin intervient. Actuellement, nous ne possédons pas ce type d'indicateur, qui serait difficile à recueillir en l'absence de bases de données administratives détaillées. Cela nécessiterait des enquêtes auprès des patients, ce qui constitue une démarche lourde à mettre en œuvre.
Il existe potentiellement un support qui permettrait de mesurer ce type d'indicateurs. Il n'est actuellement pas pris en charge par la Drees, mais par la Haute Autorité de santé (HAS). Celle-ci mène des enquêtes qualitatives de satisfaction auprès des patients hospitalisés.
Toutefois, ces enquêtes visent principalement à évaluer la qualité des soins prodigués plutôt que les délais d'attente pour des soins programmés. À ce titre, progresser dans cette direction impliquerait une réflexion méthodologique approfondie. De surcroît, il faudrait que la Drees réfléchisse en association avec la HAS afin d'éviter la duplication d'opérations lourdes.
Concernant les soins non programmés, nous décrivons principalement l'activité des urgences. La Drees, dans son panorama annuel, fournit diverses statistiques de base sur les passages aux urgences.
Depuis la fin des années quatre-vingt-dix jusqu'à l'avant-covid, nous avons observé une hausse structurelle spectaculaire du nombre de passage aux urgences en France, qui a doublé en un peu plus de vingt ans. La crise de la covid a entraîné une chute exceptionnelle, suivie d'une reprise qui ne nous ramène toutefois pas à des niveaux sensiblement supérieurs à ceux atteints en 2019. À ce stade, la tendance qui préexistait à la pandémie de covid-19 a peut-être été momentanément interrompue.
Le nombre de passage aux urgences crée une tension notable. Nous publions des données annuelles, mais il existe également des indicateurs infra-annuels exploités par la DGOS. Je pense en particulier au relevé des passages aux urgences, qui informe non seulement la DGOS, mais aussi les agences régionales de santé (ARS), sur la situation quotidienne à un niveau détaillé sur le territoire. Bien que ces relevés aient un caractère statistique en partie administratif, ils constituent tout de même un outil de gestion.
La Drees travaille actuellement à la consolidation de ces séries pour construire une histoire infra-annuelle des passages aux urgences plus solide sur le plan statistique.
Se pose également la problématique du délai d'attente aux urgences. Quelques éléments peuvent figurer dans les résumés de passage aux urgences (RPU), mais la Drees a également mené une opération d'envergure en collaboration avec l'ensemble des urgentistes. Je tiens à saluer et remercier tous les personnels ayant participé à cette initiative. Dix ans plus tard, la Drees a réalisé, le 13 juin 2023 et durant 24 heures, une enquête exhaustive dans les sept cents services d'urgence français pour mesurer de manière détaillée ce qui s'y passait.
Nous sommes désormais dans la phase de « nettoyage » des données et de traitement statistique classique. Nous prévoyons de publier les premiers résultats sur les structures d'ici la mi-juillet, et à l'automne pour ce qui concerne la patientèle. Cette enquête fournira, comme en 2013, des mesures précises des temps d'attente observés ce jour-là aux urgences.
Enfin, dans le cadre de la mesure de l'offre de soins hospitaliers et des tensions éventuelles, il est essentiel d'aborder la question des renoncements aux soins.
La Drees évalue qualitativement les renoncements aux soins à travers des enquêtes auprès des ménages. Toutefois, cela ne permet pas d'obtenir une vision extrêmement détaillée sur le territoire. De plus, il est difficile de mesurer un renoncement aux soins hospitaliers : en effet, lorsqu'on interroge les individus sur les renoncements aux soins, ils évoquent principalement l'accès aux soins primaires, notamment aux médecins généralistes. De ce point de vue, il est complexe de construire des indicateurs de renoncement aux soins à ce stade.
Il convient de compléter cette analyse en soulignant, par exemple, que la question de la réduction structurelle du nombre de lits dans les hôpitaux français est très présente dans le débat public. La Drees construit des séries de données détaillées sur le territoire. En analysant les séjours hospitaliers des années correspondantes, elle est capable de calculer le taux d'occupation des lits.
Sur les quinze dernières années, la décroissance des lits dans les hôpitaux publics ne s'est pas traduite par une augmentation du taux d'occupation de ces lits. Avant la pandémie de covid-19, cette diminution a plutôt conduit à une stabilité des taux d'occupation, du moins d'un point de vue agrégé. Il serait pertinent d'examiner cette question plus en détail au niveau territorial. Bien que cela ne réponde pas entièrement à la question du renoncement aux soins, cet indicateur montre que l'activité hospitalière nécessitant des hospitalisations complètes n'a pas entraîné une augmentation des occupations.