Intervention de Marie Daudé

Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 16h00
Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Marie Daudé, directrice générale de l'offre de soins au ministère du travail, de la santé et des solidarités :

En matière de ressources humaines, nous subissons indéniablement un effet post-covid, partagé avec nos collègues à l'échelle mondiale, notamment en termes d'attractivité des métiers. Outre les problématiques démographiques et le départ à la retraite des générations du baby-boom, nous faisons face à un véritable choc d'attractivité, qui s'explique en partie par les contraintes et les exigences du métier de soignant.

Ensuite, il est exact que la décennie précédente a été marquée par une fermeture de lits relativement stable, qui s'est quelque peu accélérée après la crise sanitaire. Cette fermeture ne doit pas être interprétée comme une conséquence d'une politique d'austérité. Elle est liée à l'augmentation des places en hospitalisation partielle, en médecine et en chirurgie ambulatoires. Les chiffres de la Drees montrent clairement que le nombre de places continue de progresser de plus de 3 % par an et les courbes de fermeture de lits et d'augmentation des places se croisent.

Concernant le choc inflationniste, il est également indéniable que nous avons subi un impact très marqué, touchant l'ensemble de l'économie et affectant particulièrement nos établissements de santé, tant publics que privés. Des crédits exceptionnels ont été alloués à cette fin dès la fin de l'année 2022, et également en 2023, avec 500 M€ dégagés pour faire face à ce choc inflationniste. Est-ce suffisant ? Des crédits supplémentaires sont prévus en 2024 afin de continuer à gérer l'inflation. Il est certain que ce choc a fortement impacté les charges des établissements, et il faudra du temps pour retrouver une trajectoire plus conforme.

Ensuite, 70 % des infirmiers déclarent ne pas être satisfaits du « Ségur », qui représentait pourtant un investissement massif, avec plus de 11 Md€ délégués. Nous avons jugé nécessaire de cibler plus spécifiquement les infirmières, en raison des fermetures de lits principalement dues au manque d'infirmières, surtout de nuit. Le gouvernement a ainsi mis en place des majorations de nuit pour les infirmières, liées à leur ancienneté. Cette approche est assez novatrice, car elle vise à fidéliser le personnel. Nous avons également voulu rendre le métier attractif pour les jeunes, tout en envoyant un signal clair : choisir de travailler de nuit, malgré les désagréments, permet une rémunération croissante au fil des ans. Pour une infirmière en fin de carrière, cela représente une augmentation substantielle de 300 à 400 euros nets par mois. Ce choc d'attractivité produira progressivement ses effets.

L'accès aux soins dans les territoires constitue une préoccupation majeure de mes ministres de tutelle. Le ministre Valletoux, alors député, a d'ailleurs œuvré sur une loi mettant en place divers outils pour faciliter cet accès territorial. Cette question nous préoccupe et nous travaillons continuellement pour préserver l'accès aux soins dans les territoires ruraux, en trouvant un équilibre entre sécurité des soins et proximité, au service de nos concitoyens.

La sortie de crise à Carhaix, avec le protocole mis en place et la mutualisation avec le CHU de Brest, illustre les solutions vers lesquelles nous devons tendre. Toutefois, le médecin urgentiste constitue une ressource rare aujourd'hui. Nous devons donc répondre aux demandes de la population tout en tenant compte des contraintes de recrutement.

Le dialogue social représente également une préoccupation majeure. Je déplore les tensions qui peuvent surgir dans les régions, les territoires et les établissements, menant à des situations objectivement compliquées dont il faut sortir. Il est essentiel que tous les acteurs se réunissent pour maintenir le dialogue ; je reçois régulièrement les organisations syndicales de la fonction publique hospitalière, des personnels médicaux, des syndicats libéraux ou les fédérations.

En matière d'économies et de performance, il est crucial d'adopter une vision globale, en nous concentrant sur la performance du système de santé dans son ensemble. Il faut réfléchir aux actions possibles en ville, à l'hôpital et à la collaboration entre les deux. Vous avez mentionné la redondance des actes ; nous parlons quant à nous de pertinence. Nous allons intensifier nos travaux sur la pertinence des actes entre le public, le privé, la ville et l'hôpital. Il est également nécessaire de comparer les pratiques et d'établir des grilles de comparaison pour fixer des objectifs dans chaque région et établissement. Nous travaillons enfin sur les achats hospitaliers, ainsi que sur la régulation et l'encadrement de l'intérim, en espérant réaliser des économies significatives dans ces domaines.

S'agissant de la convention médicale et l'assurance maladie, des travaux sont en cours sur des sujets tels que la biologie et la radiologie. Des plans de performance sont également discutés au sein des ARS, avec certains établissements en difficulté, parfois avec le soutien de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), qui a repris les appuis à 360 degrés pour aider ces établissements.

En matière de qualité, nous disposons de plusieurs indicateurs. Certains d'entre eux sont pilotés par la Haute Autorité de santé (HAS), notamment à travers les processus de certification. Nous avons également instauré divers indicateurs permettant de financer les établissements de santé en fonction de leur qualité, à travers le dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité (Ifaq). Bien que perfectible, ce dispositif constitue l'un des axes de la future réforme de la T2A annoncée par le Président de la République. Cette réforme prévoit un compartiment entier dédié à la santé publique, intégrant des objectifs territorialisés en lien avec les directeurs généraux des ARS. Nous travaillerons sur ces aspects, en incluant également les questions de qualité et de pertinence. L'Igas finalise actuellement son rapport, qui permettra de relancer plusieurs chantiers sur la qualité, avec des résultats attendus dès 2025, notamment en matière de financement.

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