Ce que Nadine Burke et le Centre for youth wellness de San Francisco ont accompli est inédit. Ils ont établi des liens étroits avec les écoles. Je consacre beaucoup de temps à élaborer des projets d'accueil individualisés (PAI) pour des enfants allergiques ou souffrant de douleurs, leur permettant de prendre du Doliprane. Cependant, nous ne mettons pas en place de PAI pour les enfants présentant des troubles du comportement, souvent liés aux violences subies. Il manque une connexion avec l'école pour expliquer ces comportements et éviter de marginaliser un enfant turbulent, en comprenant que cette turbulence peut être une réaction aux violences vécues et qu'il convient de l'accompagner en conséquence.
Les centres d'appui à l'enfance auront pour mission de renforcer ces liens avec les écoles afin de mettre en place des PAI adaptés. Par exemple, en tant que médecin spécialisée dans la douleur, lorsque je rencontre des enfants atteints de maladies génétiques, je me rends parfois dans les écoles pour expliquer aux autres enfants et aux enseignants les conséquences de ces maladies. J'explique pourquoi l'enfant peut être absent ou pourquoi les lésions sur ses mains ne sont pas contagieuses. Ce travail d'explication doit également s'appliquer aux enfants ayant subi des violences, pour que l'école comprenne leurs réactions. La mise en place des UAPED a favorisé la collaboration avec les écoles. Il est également nécessaire de revaloriser les médecins scolaires, dont les salaires sont parmi les plus bas de tout le corps médical. Cette situation décourage de nombreux professionnels de s'engager dans la médecine scolaire. Il faut aussi valoriser le travail des infirmières en pratique avancée dans les établissements scolaires. Nous disposons de personnels compétents, mais il faut les rémunérer correctement et développer les structures existantes. J'ai une infirmière en pratique avancée dans mon équipe et il est extrêmement difficile pour elle de trouver sa place car, en réalité, on n'a pas accordé à ces infirmières la reconnaissance qu'elles méritent. Je pense que qu'elles pourraient également intervenir dans les écoles et établir des liens avec les UAPED, les centres d'appui et l'ASE, devenant ainsi des piliers essentiels dans la prise en charge des enfants.
Comment peut-on demander à des jeunes d'être autonomes à 18 ans alors que la moyenne d'âge de départ du domicile parental en France est de 25 ans ? Cette situation ne permet pas aux jeunes de se projeter dans des études supérieures. Nous constatons que les jeunes que nous accompagnons sur le plan psychologique vont très mal. Nous tentons, avec des moyens limités, de les intégrer dans un parcours psychologique comprenant huit séances avec un psychologue. Il n'existe pas d'accompagnement pour les jeunes majeurs, ni sur le plan psychologique, ni sur le plan de leur santé. Tout s'arrête brutalement. Or, nous ne pouvons pas exiger que ces jeunes soient autonomes à 18 ans. Il faudrait que l'État les accompagne systématiquement jusqu'à 25 ans. À 18 ans, il est impossible de se dire : « Je vais faire médecine ou je vais devenir avocat ». Par conséquent, ils sont souvent orientés vers des filières professionnalisantes qu'ils n'ont pas nécessairement choisies. Lorsque ce choix est délibéré, il n'y a pas de problème.
Notre objectif avec l'association Im'pactes est de permettre aux jeunes de choisir leur avenir professionnel plutôt que de le subir par défaut. C'est dans cette optique que nous avons obtenu le soutien du ministre Bruno Le Maire pour former une coalition d'entreprises françaises mobilisées pour l'enfance. Actuellement, l'État ne prend pas en charge cette initiative, mais nous avons réussi à mobiliser des entreprises et cela s'avère vertueux. En effet, les jeunes qui réussissent leur insertion professionnelle s'intègrent dans les entreprises qui les ont aidés à poursuivre leurs études.
Il est essentiel que les enfants de l'ASE, dès la classe de sixième, aient un rêve d'avenir, sans quoi nous risquons de les perdre. Il faut les inspirer dès l'école primaire. Pour cela, nous organisons un « village des métiers » où, tout au long de l'année, les enfants, avec leurs parents, peuvent rêver du métier qu'ils souhaitent exercer. Cette année, le 30 juin, des professionnels tels que des vétérinaires, des avocats, des boulangers, des juges et des médecins viendront à la rencontre des enfants pour leur expliquer leur métier. Les entreprises qui nous soutiennent dans cette démarche rencontreront ces enfants pour ensuite les accompagner en tant que mentors. De nombreux mentors issus d'entreprises se sont mobilisés. Ces jeunes, après avoir effectué un stage en alternance, signeront un jour un contrat à durée déterminée ou indéterminée. Nous avons également besoin du secteur privé pour nous aider à prendre en charge ces enfants. Je pense que la prise en charge minimale jusqu'à 25 ans ne devrait même pas être un sujet de débat.