Intervention de Pr Céline Greco

Réunion du mardi 21 mai 2024 à 18h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Pr Céline Greco, cheffe du service de médecine de la douleur et palliative de l'hôpital Necker-enfants malades, présidente de l'association Im'pactes :

Les centres d'appui à l'enfance seront prioritairement dédiés aux enfants de 0 à 18 ans pris en charge par la protection de l'enfance ou victimes collatérales de féminicides. Ces centres auront pour mission de réaliser des bilans de santé somatique et psychique des enfants, ce qui permettra de mettre en place des parcours de soins coordonnés et gradués. Nous avons défini trois parcours, dont le parcours standard pour les enfants qui ne vont pas trop mal et qui pourront être pris en charge en ambulatoire, c'est-à-dire en ville, grâce à une coordination des soins, comme cela se fait par exemple dans le cadre des expérimentations « Santé protégée » ou Pegase. Pour les enfants des deux autres parcours, c'est-à-dire les parcours renforcés et intensifs, ils seront pris en charge au sein du centre. Pour les enfants du parcours renforcé, des consultations avec des psychologues et des psychomotriciens seront organisées bimensuellement. Pour les enfants du parcours intensif, les consultations seront hebdomadaires et incluront des psychologues, de la psychomotricité, et éventuellement de l'orthophonie en cas de troubles du langage.

Les études montrent que lorsqu'on prend en charge précocement ces enfants, un suivi moyen de vingt-quatre mois permet de les remettre dans des courbes de développement proches de la population générale. Pour ce premier centre, nous avons prévu de suivre les enfants pendant au moins vingt-quatre mois. Comme je l'ai mentionné précédemment, les délais d'attente dans les CMP sont de dix-huit à vingt-quatre mois. Cela signifie que dès l'arrivée de l'enfant, nous l'inscrivons sur liste d'attente dans un CMP, nous le prenons en charge au centre puis, dès qu'il va mieux, il peut basculer sur un parcours ambulatoire.

Le centre proposera aux enfants des ateliers d'art-thérapie et de la prévention secondaire, visant à renforcer la confiance en soi, l'estime de soi et la nutrition. Les enfants en protection de l'enfance présentent souvent des troubles du comportement alimentaire. La démarche permettra également de former les professionnels de santé aux spécificités de ces enfants, souvent victimes de double traumatisme, et d'aider les travailleurs sociaux en maisons d'enfants à mieux gérer les crises et prévenir les violences institutionnelles. Une meilleure gestion des crises et la prévention des violences limiteront les burn-out des travailleurs sociaux, actuellement démunis face à des enfants présentant des troubles du comportement de plus en plus massifs.

Pour répondre à votre question, un seul centre régional ne suffira pas. À Hambourg, lorsque Andreas Krüger a créé Ankerland, ils ont rapidement été dépassés, notamment dans les départements plus reculés. Ils ont alors mis en place des bus mobiles, des équipes mobiles allant à la rencontre des enfants pour des consultations avancées dans les départements où l'accès au centre est difficile. L'idée est de créer ce premier centre régional, puis de déployer des équipes mobiles pour atteindre les enfants dans les départements où l'accès est plus compliqué. En Île-de-France, le réseau de transport permet d'accéder facilement à Paris, mais ce n'est pas le cas dans d'autres départements. Ainsi, il serait pertinent de mettre en place ces bus mobiles sur chaque territoire.

Les Allemands ont également mis en place des schreie Ambulances, des maisons pour les enfants hurleurs ou pleureurs, ce qui est très intéressant. Ces maisons de santé en Allemagne permettent aux parents de venir avec un bébé qui pleure en permanence pour bénéficier du soutien d'une puéricultrice ou d'une sage-femme. Ils peuvent également laisser leur bébé aux bénévoles de la schreie Ambulance pour se reposer un peu. Grâce à cette initiative, les Allemands ont réduit de 47 % le nombre de bébés secoués. De plus, ils ont développé une application gratuite appelée « Unser kleiner Schreiehals » (notre petit hurleur), qui a contribué à diminuer le stress parental. Cette application est extrêmement utilisée, avec un taux d'observance de 70 %. Tout cela s'inscrit dans une démarche de guidance parentale. Je pense que nous manquons de ce type de soutien si nous voulons réellement prévenir le syndrome du bébé secoué. Il serait pertinent de mettre en place des maisons des parents où ceux-ci pourraient venir déposer leur bébé et obtenir des conseils simples. Par exemple, si votre bébé pleure, passez l'aspirateur, fermez la chambre, mettez de la musique. Ces lieux offriraient aux parents la possibilité de laisser leur bébé quelques heures pour prendre du temps pour eux. Je pense particulièrement aux familles monoparentales qui n'ont aucun répit. En développant des schreie Ambulances à la française, accompagnées d'une application, nous pourrions, comme les Allemands, réduire drastiquement le syndrome du bébé secoué.

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