Intervention de Pr Céline Greco

Réunion du mardi 21 mai 2024 à 18h00
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Pr Céline Greco, cheffe du service de médecine de la douleur et palliative de l'hôpital Necker-enfants malades, présidente de l'association Im'pactes :

Le problème réside dans les lacunes de la formation des professionnels en contact avec les enfants, ce qui complique leur repérage et leur prise en charge. On observe cela avec les équipes Pactes, devenues UAPED, dans les hôpitaux. Il est extrêmement difficile de repérer un enfant et de le signaler, surtout pour un médecin traitant isolé dans son cabinet, car cela représente une grande responsabilité. De nombreuses études montrent que la peur des représailles freine les signalements. C'est plus facile à l'hôpital car on travaille en équipe. La mise en place des équipes Pactes a permis aux professionnels de se dire : « J'ai un doute sur cet enfant, mais la présence de ces équipes à l'hôpital me permet de ne pas gérer seul ce qui m'effraie. Je peux appeler une équipe experte qui m'aidera à lever ou confirmer mon doute. » La création de ces équipes dans les hôpitaux a drastiquement augmenté le nombre de repérages. Il ne s'agit pas seulement de signalements ou d'informations préoccupantes, ni de placements. Je me souviens être passée sur France 5 lors de la mise en place des équipes ; je n'avais pas vu le bandeau en dessous de l'écran. En revoyant l'émission, j'ai constaté qu'il était écrit « équipe commando ». Ce n'était absolument pas cela. L'objectif n'était pas de repérer plus pour placer plus, mais de repérer plus tôt afin de faire des signalements et des informations préoccupantes lorsque nécessaire, et aussi de mettre en place des consultations de guidance parentale lorsque cela était possible.

À l'UAPED de l'hôpital Robert Debré, le médecin, la psychologue et l'infirmière de cette unité ont instauré des consultations de guidance parentale. Le taux de placement des enfants n'a pas augmenté, mais le repérage des situations à risque est désormais beaucoup plus précoce. Il est nécessaire de généraliser ces UAPED dans les hôpitaux, de les doter de davantage de moyens et de mieux former les professionnels. Aux États-Unis, par exemple, il existe un diplôme de pédiatrie sociale. Les jeunes médecins, notamment les internes, bénéficient d'une formation supplémentaire appelée formation spécifique transversale (FST). Certains internes suivent la FST « douleur » ou la FST « médecine palliative ». Nous gagnerions à former des jeunes médecins en pédiatrie sociale, qui effectueraient des stages dans les UAPED et en pédopsychiatrie, afin de se spécialiser dans le repérage et la prise en charge des enfants en danger.

De la même manière, il serait pertinent d'ajouter une formation en pédiatrie sociale pour les infirmières en pratique avancée, afin qu'elles puissent travailler dans les centres d'appui à l'enfance, qui se multiplient actuellement en France, ou en protection maternelle et infantile (PMI). Les psychologues devraient également bénéficier d'une formation spécifique. Ainsi, il est impératif de renforcer les compétences des professionnels de santé en pédiatrie sociale pour améliorer le repérage et la prise en charge des enfants en danger. Il est essentiel de suivre une formation aux bonnes pratiques cliniques avant de pouvoir postuler pour conduire un essai clinique. Cette formation en ligne exige un taux de réussite supérieur à 70 %. Pourquoi ne pas exiger la même chose des professionnels associatifs, des futurs bénévoles, mentors et parrains qui seront en contact avec des enfants dans le milieu sportif ? Bien que cette formation en ligne ne suffise pas à elle seule pour prendre en charge ces enfants, elle constitue néanmoins un premier pas vers une acculturation aux violences faites aux enfants. Elle permettrait également d'apprendre à écouter leurs paroles et à transmettre ces informations aux personnes compétentes. En tant que médecin, cette exigence nous est imposée pour les essais cliniques. Il serait pertinent de l'étendre aux milieux associatif et sportif, au-delà des seules professions de santé.

Les UAPED doivent se déployer sur le territoire. Par exemple, l'UAPED de l'hôpital Robert Debré accueille un tiers des enfants venant de l'extérieur. Les services de PMI, les écoles et les médecins traitants sollicitent cette unité, ce qui réduit l'angoisse liée à la réalisation d'un signalement ou d'une information préoccupante. Le travail en équipe est indispensable pour améliorer les signalements.

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