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Intervention de Benoît Bordat

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoît Bordat, rapporteur :

Néanmoins, nous sommes convaincus qu'au-delà de la préparation des armées, l'implication de l'ensemble de la nation sera nécessaire pour faire face aux crises de demain. En effet, un engagement en haute intensité, du fait de son ampleur, de sa durée et des stratégies hybrides qui l'accompagneront, nécessiterait l'implication de l'ensemble de la nation pour soutenir l'effort militaire.

Tel est l'objet de la phase trois de l'exercice, dite civilo-militaire, qui a démontré la nécessité pour les administrations de se réapproprier les mécanismes civilo-militaires, de renforcer la coordination interministérielle dès le temps de paix et de disposer d'une structure de coordination permanente à travers la réactivation de la commission interministérielle de défense nationale (CIDN).

Quel soutient la nation peut-elle apporter aux armées ? Pour répondre à cette question, cinq groupes de travail ont été créés dès septembre 2022 et ont été confrontés à des scénarios des crises dans le but d'élaborer des fiches mesures. Tout d'abord, il ressort des conclusions du groupe de travail consacré au soutien national et à l'engagement des armées et des acheminements que le soutien en matière de transports, mais également en matière sanitaire, doit être renforcé. Les principaux points d'attention identifiés résident dans l'organisation de la mobilité militaire.

Il convient, d'une part, de renforcer les moyens dont dispose le commissariat général aux transports (Comigetra) en travaillant notamment à lui conférer une vision sur la disponibilité actualisée des moyens de projection civils ; et d'autre part, de travailler à la réappropriation de la convention portant sur les transports ferroviaires urgents. Le transport par voie routière doit également faire l'objet d'une attention particulière, compte tenu des divergences de normes à l'échelle européenne, comme nous l'avons constaté lors de l'acheminement de matériel lourd via l'Allemagne à destination de la Roumanie dans le cadre de la mission Aigle. Une harmonisation à l'échelle européenne apparaît donc cruciale.

En matière de soutien sanitaire, face à un volume élevé de blessés au combat, la mobilisation des établissements de santé civile, voire de la médecine privée, sera indéniablement nécessaire et devra être préparée en amont. Devant l'ampleur de la tâche, nous estimons qu'un groupe de travail dédié au soutien sanitaire distinct du groupe « acheminement et transport » devra très être créé dans le cadre de la CIDN associant le ministère des solidarités et de la santé et le SSA.

En matière juridique, le groupe de travail dédié a conclu à la relative inadaptation des états d'exception prévu par la constitution pour faire face à un scénario du type Orion. En revanche, il apparaît que les régimes de mise en garde et de mobilisation générale prévus par le code de la défense sont susceptibles de constituer un cadre juridique plus adapté, sous réserve de leur clarification et au prix d'une réappropriation par les acteurs concernés. Il s'agit effectivement, à l'instar des équipements, de mettre en œuvre un véritable MCO des dispositifs de gestion de crise.

S'agissant de la mobilisation des réserves, le groupe dédié a conclu à la nécessité de mieux cartographier les différents types de réserve, afin de les mettre en cohérence et de recenser les compétences qui pourront renforcer les armées en cas d'engagement majeur. Par ailleurs, concernant des conditions de mobilisation, de véritables risques de concurrence et d'effets d'éviction entre les différentes réserves ont été identifiés. Leur réduction constitue, selon nous, un axe d'effort prioritaire.

Je ne peux vous dire que quelques mots sur le groupe de travail dédié aux rétroactions sécuritaires sur le territoire national, car ses conclusions ont été en grande partie classifiées. Il en ressort néanmoins le besoin pour les ministères des armées et de l'intérieur d'objectiver de manière conjointe une éventuelle dégradation sécuritaire face à un adversaire agissant sous le seuil de la conflictualité et qui pourrait chercher à contraindre le gouvernement à arbitrer entre l'engagement des forces à l'intérieur et à l'extérieur du territoire national. Enfin, s'agissant de la communication gouvernementale et de la lutte informationnelle, il convient de mieux coordonner la communication institutionnelle avec la lutte contre les manipulations de l'information, face à des stratégies hybrides visant à miner la cohésion nationale.

La réactivation de la CIDN, en septembre 2023, vise à répondre aux besoins d'un outil permanent et robuste de coordination interministérielle, tandis que la cellule interministérielle de crise ne remplit ce rôle qu'en cas de crise majeure. En effet, c'est dans le cadre de la CIDN que les travaux des groupes de travail d'Orion ont vocation à être pérennisés.

Plusieurs observations méritent néanmoins d'être menées à ce stade. Le rythme de fonctionnement des différents groupes de travail apparaît très variable, d'autant plus que les ministères sont très mobilisés par la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le groupe dédié à la communication et la lutte informationnelle n'a d'ailleurs pas été reconduit. Je souhaite néanmoins alerter sur l'absolue nécessité pour les administrations de dégager du temps pour se consacrer à l'anticipation et au temps long. Il faut veiller à davantage valoriser en interne la participation des experts concernés à la CIDN.

Ensuite l'objectif de la CIDN est pour le moment d'élaborer une feuille de route en vue d'Orion 2026, voire de déterminer des mesures à inclure dans la prochaine LPM. Compte tenu de la dégradation rapide du contexte international, nous pensons que le tempo n'est pas approprié. Il nous semble préférable, une fois les travaux finalisés, d'élaborer dans les meilleurs délais un projet ou une proposition de loi ad hoc, plutôt que de s'en remettre à la prochaine LPM. Enfin, nous serons vigilants, à ce que la CIDN trouve toute sa place dans la comitologie actuelle et que, passé le momentum créé par Orion 2023, ces travaux ne soient pas oubliés.

Nous faisons ainsi le constat qu'Orion 2023 a créé une véritable dynamique, sur laquelle il convient de s'appuyer afin que la remontée en puissance ne s'essouffle pas.

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