À mon tour, je souhaite remercier notre administratrice et les deux stagiaires pour leur travail, ainsi que l'ensemble des personnes auditionnées et ma co-rapporteure. Je ne suis pas d'accord avec sa conclusion, mais je la respecte, dans ma fidélité républicaine à écouter la différence et le positionnement de chacun.
Pour ma part, je souhaite vous faire part de quelques réflexions sur ce rapport, en commençant par une citation entendue lors de mon déplacement en Finlande, où la défense nationale est un loisir au même titre que le hockey ou le volleyball. Dans ce pays, comme en Estonie, la défense nationale est tellement l'affaire de tous que l'on y parle de « volonté de défense ». D'après un sondage récent, 83 % des Finlandais se disent prêts à prendre les armes et défendre le pays face à une attaque, même si l'issue s'avère défavorable.
Bien sûr, ces deux États possèdent une frontière avec la Fédération de Russie et seraient les premiers concernés en cas d'agression ennemie. De même, leur histoire est différente de celle de notre pays et, par conséquent, la société est davantage prête et mobilisée qu'en France. Pourtant, je demeure persuadé que ces États ont beaucoup à nous apprendre, et peut-être un temps d'avance sur ces enjeux. Dans ces deux États, le rôle de l'éducation dans la défense nationale est évident, beaucoup plus qu'en France. La mémoire est omniprésente, dès les plus petites classes. La démocratie et la liberté critique sont au cœur des apprentissages, notamment quand il s'agit de déceler les fausses informations et les ingérences étrangères.
Au terme des auditions de la mission d'information, j'en viens à plusieurs constats majeurs concernant l'éducation à la défense. Les dispositifs existants doivent être rationalisés, mieux coordonnées et doivent monter en puissance afin de changer d'échelle et de bénéficier à un nombre substantiel de jeunes.
Ensuite, la formation initiale et continue de professeurs à ces sujets doit être rendue obligatoire au plus vite. Je souhaite que soit instauré, pour l'ensemble des lycéens de seconde, un module obligatoire sur la défense globale. Ce module serait dispensé par des réservistes, citoyens ou opérationnels formés pour délivrer ce type d'enseignement. Cette proposition trouve un écho dans le déplacement de la mission d'information en Estonie, où les lycéens bénéficient d'un cours obligatoire relatif à la défense nationale. Le cours est décliné en trente-cinq sessions de trente-cinq minutes chacune.
Dans le lycée franco-estonien où je me suis rendu, ce cours est délivré par un ancien civil du ministère de la défense ainsi que par un réserviste opérationnel ancien lieutenant dans les forces armées estoniennes. Ce cours était proposé de manière facultative depuis quinze ans avant de devenir une évidence acceptée, donc obligatoire. Dans ce cadre, les lycées effectuent en fin d'année scolaire, sur la base du volontariat, un « camp » de trois jours qui constitue une initiation à la vie militaire, dans un pays où le service militaire demeure obligatoire pour les jeunes hommes. Je souhaiterais proposer aux lycéens de seconde qui le souhaitent la possibilité d'effectuer un camp similaire en fin d'année scolaire, avec encadrement militaire. Ce camp serait effectué sur la base du volontariat et impliquerait une nuitée à l'extérieur.
Ensuite, je souhaite moi aussi que soit clarifiée la place du SNU dans la défense nationale. Le projet initial du SNU revêtait une forte coloration militaire et constituait un projet à part entière d'éducation à la défense nationale, visant à rétablir le lien armée-nation et l'esprit de défense. Aujourd'hui, la place du SNU dans l'éducation à la défense nationale n'est plus aussi claire. Avant toute généralisation, il importe de s'interroger sur les finalités du SNU, de s'assurer de sa qualité, puis des capacités logistiques et en ressources humaines d'encadrement de qualité.
Je défends aussi une modernisation de la journée défense et citoyenneté (JDC), qui devrait, là encore, aller dans le sens d'une remilitarisation des enjeux de cette journée, qui demeure aujourd'hui la seule occasion de présenter les enjeux de défense à toute une classe d'âge. Aujourd'hui, cette journée est souvent vécue comme une journée sans lendemain, un passage obligé, une occasion manquée pour les armées. Je rappelle que, lors de cette journée, les jeunes ont le statut d'appelés et il convient de redonner tout son sens à ce statut. Il existe bel et bien dans nos textes un devoir de défense, qu'il faut remettre à l'ordre du jour et rappeler à nos concitoyens.
Par ailleurs, dans le prolongement de ce cours obligatoire en seconde, je souhaite également ouvrir une réflexion sur l'opportunité de la mise en place d'une conscription obligatoire, mais sélectionnée et volontaire, inspirée du modèle suédois. Alors que le service national est suspendu depuis 1997, le contexte géopolitique, marqué par le retour de la guerre sur le continent européen, est préoccupant.
Depuis 1997, les armées françaises se sont professionnalisées et ne sont plus dimensionnées pour intégrer 800 000 jeunes d'une classe d'âge à leur majorité. Les garçons et les filles ayant effectué leur JDC pourraient servir sous les drapeaux sur la base du besoin des armées. Cette conscription s'inscrirait dans un parcours citoyen repensé, puisque les jeunes conscrits auraient nécessairement suivi en classe de seconde le cours obligatoire relatif aux enjeux de défense globale dont je propose la mise en place.
Chaque appelé pourrait ainsi candidater afin de servir en tant qu'appelé du contingent, comme cela se fait en Suède. Les armées établiraient chaque année leurs besoins en recrutement d'appelés, selon leur propre capacité d'accueil. Un service militaire de ce type présenterait l'avantage d'être particulièrement valorisable, puisque les appelés seraient sélectionnés sur leurs capacités autant que sur leur volonté de s'engager. Un tel dispositif incarnerait la volonté de défense. Il serait également adapté aux armées, qui trouveraient ici matière à sélectionner, recruter, fidéliser, sans être submergées par la masse que représente l'intégralité d'une classe d'âge.
Je souhaite également parler des réservistes, qui constituent un levier majeur d'éducation à la défense. Les réservistes opérationnels sous statut militaire contribuent au rapprochement entre les forces armées et la société civile, facilitant ainsi une meilleure compréhension et appréciation mutuelle.
Les réservistes citoyens de défense et de sécurité sous statut civil constituent un vecteur majeur d'éducation à la défense. D'après l'article L. 421-1 du code de la défense, la réserve citoyenne de défense et de sécurité a pour objet d'entretenir l'esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et son armée.
Dans ce rapport, plusieurs propositions visent à renforcer la visibilité des réservistes dans l'espace public, par exemple en affirmant que les réservistes qui le souhaitent ont le droit, sans autorisation préalable de l'autorité militaire, de porter leur tenue de réserve à l'occasion des cérémonies commémoratives, notamment le 8 mai. Je propose également de faire de l'appartenance à une réserve un nouveau critère de discrimination au sens de l'article L. 221-5 du Code pénal. Je mène aussi une réflexion sur la journée patriotique fériée du 8 mai dans le rapport.
Mes chers collègues, nous militons pour un véritable changement de paradigme. Si nous divergeons parfois sur les modalités, nous sommes d'accord avec ma co-rapporteure sur une majorité de constats et de perspectives. Nous sommes convaincus que l'éducation et la culture ont un rôle majeur à jouer pour consolider l'esprit de défense dans la société.