Monsieur Lefèvre, je comprends votre logique, mais pourquoi attendre le PLF 2025 ? Cette proposition de loi permettrait d'envoyer un message, en particulier en matière de moralisation. Car l'idée n'est certainement pas d'interdire l'activité privée au sein des EHPAD, mais de la pérenniser en la moralisant. La dérive actuelle vient de ce que les gestionnaires d'établissement se transforment petit à petit en promoteurs immobiliers, cette dimension devenant leur principale source de profit. La gestion, qui est un domaine particulièrement sensible, devient alors une activité accessoire.
Nous allons, c'est vrai, être amenés à construire de nombreuses places en EHPAD du fait du vieillissement de la population. Mais c'est aussi un argument en faveur de cette proposition de loi : il faut régler le problème avant l'arrivée de cette nouvelle vague de constructions. Il existe d'autres outils de financement de l'immobilier en EHPAD, et certains groupes n'utilisent pas de dispositif de défiscalisation.
Monsieur Muller, vous avez raison, les coûts directs pour les résidents sont en hausse du fait de la découpe. Les représentants des petits actionnaires que nous avons auditionnés l'évaluent jusqu'à 300 euros par mois. On peut prendre de la distance avec ce chiffre, mais il est indéniable que le fait que les chambres se vendent très cher doit être compensé par des loyers très élevés.
Madame Maximi, la proposition de loi concerne bien tous les établissements médico-sociaux. Je suis avec beaucoup d'attention les débats en cours sur le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie, ainsi que sur le statut des maisons d'accompagnement. Votre groupe a déposé un amendement pour les exclure du secteur lucratif, qui, il me semble, a été voté. Or la ministre a dit que ces maisons seraient également des lieux d'habitation. Je vous appelle toutes et tous à être particulièrement vigilants car si votre amendement n'est pas retenu, alors la vente à la découpe sera possible pour les maisons d'accompagnement. Nous pourrions régler le problème dès aujourd'hui en empêchant les établissements médico-sociaux d'accéder à ces dispositifs de défiscalisation.
Oui, monsieur Hetzel, le rapport de force entre l'épargnant et le promoteur est extrêmement défavorable au premier, surtout dans les situations de quasi-liquidation, lorsqu'une structure est en défaut ou en grande difficulté. Le repreneur ne peut être que privé, puisque les acteurs publics et associatifs n'ont pas vocation à verser les loyers très élevés qui sont pratiqués après une vente à la découpe. Les investisseurs sont donc obligés d'accepter des baisses de loyer considérables, sauf à risquer de se retrouver avec une coquille vide. J'ai déposé un amendement qui aura au moins le mérite d'obliger ceux qui vendent à la découpe d'informer correctement les futurs acquéreurs, qui sont de petits investisseurs.
Madame Goulet, la question est : comment trouver d'autres investisseurs ? Des groupes ou des indépendants financent le développement d'EHPAD par d'autres outils que la vente à la découpe, comme vous l'avez dit, et cela fonctionne très bien. Cela empêche peut-être un développement explosif, mais ce dernier n'est pas forcément souhaitable, car un développement extrêmement rapide est fragile. Par ailleurs, je le redis, je proposerai par amendement que celles et ceux qui ont déjà investi puissent bénéficier de l'outil de défiscalisation jusqu'en 2030, ce qui est protecteur.
Madame Pires Beaune, je partage tout ce que vous avez dit. Nous sommes confrontés à une logique purement financière qui s'écarte totalement de l'objet premier, l'accompagnement de personnes fragiles, dépendantes. J'insiste pour ma part sur les EHPAD, mais tous les établissements médico-sociaux sont concernés par une financiarisation à outrance. Je n'ai rien contre le secteur privé, dont je viens ; je pense qu'il peut faire de bonnes choses, mais qu'il faut moraliser les pratiques de certains groupes. Nous pouvons le faire aujourd'hui sans mettre qui que ce soit en difficulté. Nous pouvons obliger les groupes qui ont vocation à se développer à trouver d'autres outils de financement, plus stables, avec des financeurs qui n'ont pas une logique exclusivement financière et qui ne viennent pas de l'autre bout du monde sans même savoir où se trouve l'établissement en question.
Madame Magnier, s'agissant du risque pour le « stock », je l'ai déjà dit : en reportant à 2030 les effets de la suppression de l'avantage fiscal, nous répondons aux préoccupations de ceux qui ont déjà investi tout en faisant en sorte, dès aujourd'hui, que les autres n'utilisent plus ce mécanisme. L'impact pour ceux qui ont déjà investi sera ainsi largement amorti.
Madame Arrighi, il est possible de dégager des marges sans défiscalisation. Des établissements privés, autrement dit des entreprises, fonctionnent et gagnent correctement leur vie sans y recourir. L'outil fiscal que je veux supprimer pousse les groupes, parce que c'est un moyen de gagner de l'argent très vite, à se transformer en promoteurs immobiliers et à céder leurs biens très rapidement, ce qui fait qu'on se retrouve avec des sociétés d'exploitation fragilisées, parce qu'elles sont obligées de verser des loyers considérables et finalement accessoires par rapport à la promotion immobilière. D'autres acteurs s'y prennent différemment et il est possible de dégager des marges et de gagner sa vie en exploitant un EHPAD, à titre indépendant ou en groupe, sans ces pratiques. Je ne pense donc pas que nous mettrons des acteurs en difficulté : il faudra simplement qu'ils trouvent d'autres moyens de se refinancer. D'autres le font, pourquoi pas eux ?
Par ailleurs, ce système de défiscalisation favorise considérablement le regroupement des structures, alors qu'il me semble plus intéressant d'avoir une multiplicité d'acteurs dans le secteur de l'accompagnement de personnes âgées ou, plus généralement, fragiles. Sans être contre les regroupements, je ne pense pas qu'un mouvement massif en la matière soit positif. L'idée, encore une fois, n'est pas d'empêcher, mais au moins de ne pas favoriser, de ne pas inciter à ces pratiques avec l'argent du contribuable.
Enfin, monsieur Taupiac, je partage absolument ce que vous avez dit : oui, il faut, sans instaurer pour autant une interdiction, moraliser le secteur privé.