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Intervention de Laurent Panifous

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Panifous, rapporteur :

Pour éviter tout malentendu, je vais d'abord dire ce que n'est pas cette proposition de loi. Elle n'est pas contre le secteur privé, car il a un rôle à jouer dans l'accompagnement de nos aînés, utile et complémentaire à celui des secteurs public et associatif. Elle ne vise pas non plus à répondre aux dysfonctionnements des EHPAD : il y a beaucoup à faire bien sûr, mais la niche parlementaire est un cadre qui exige un texte synthétique et centré sur un sujet précis.

Cette proposition de loi vise donc à limiter et surtout éviter de favoriser la vente à la découpe des chambres d'EHPAD par certains groupes privés, un phénomène fréquemment et sévèrement critiqué, notamment par des sénateurs, qui ont créé une mission d'information sur ce sujet, et par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). En plus de revenir sur un effet d'aubaine, elle permettra à l'État de réaliser des économies, ce qui est bienvenu dans la période actuelle.

Elle prévoit de supprimer les dispositifs de défiscalisation dont bénéficient ceux qui investissent dans des chambres d'EHPAD et, plus largement, dans les lieux d'hébergement du secteur social et médico-social. Ces dispositifs sont injustifiés, car l'argent du contribuable n'a pas à financer une opération entre tiers privés sans apport à l'intérêt général. Ils entraînent de surcroît une augmentation du coût de l'hébergement en EHPAD, le promoteur les mettant en avant pour justifier d'un prix élevé, qui peut atteindre 200 000 euros. Le particulier investisseur consent à acquérir une chambre à ce prix car il sait que, grâce à la défiscalisation, l'investissement sera rentable, mais il en attend un loyer élevé, ce qui est normal. Le gestionnaire de l'établissement n'a alors d'autre choix que d'appliquer des tarifs élevés aux personnes âgées pour couvrir les loyers.

Le budget de l'État est perdant, tout comme les personnes âgées. Les seuls gagnants sont les promoteurs immobiliers, dont l'activité est rendue excessivement lucrative, aux frais notamment des contribuables. Il s'agit bien de promotion immobilière et non de gestion d'établissements médico-sociaux.

Quant aux petits propriétaires investisseurs, ils ont déboursé des sommes très importantes pour un investissement qui s'avère fragile. L'opération n'est pas aussi sûre que les promoteurs la présentent car, l'actualité le confirme, les groupes d'EHPAD peuvent rencontrer de grandes difficultés financières et budgétaires. En cas de liquidation de l'exploitant, le petit propriétaire est totalement démuni. Il se retrouve propriétaire d'une coquille vide, invendable, et sans loyer.

La recherche d'un repreneur devient en effet extrêmement difficile lorsque l'établissement a été saucissonné. Ce modèle économique exclut les éventuels repreneurs publics ou associatifs, voire privés, qui n'ont pas vocation à s'acquitter de loyers exorbitants eu égard à leur mission d'intérêt général. Au mieux, les petits propriétaires concèdent de très fortes baisses de loyers à de nouveaux repreneurs privés en position de force. Au pire, les bâtiments demeurent vacants et les propriétaires sont ruinés. L'État a alors déboursé des sommes importantes pour des investissements sans suite, les personnes âgées se retrouvent sans hébergement, le seul gagnant aura été le promoteur immobilier.

La situation résulte d'un effet d'aubaine. Quand le législateur a instauré une fiscalité avantageuse pour les locations d'habitations meublées, il ne visait pas les EHPAD. Les promoteurs ont simplement profité de la catégorisation des EHPAD comme lieux d'habitation, à la différence des cliniques. Or il existe des cliniques privées qui fonctionnent sans que leurs investisseurs ne bénéficient de dispositifs de défiscalisation.

Je ne tiens cependant pas à pénaliser excessivement les petits investisseurs qui ont choisi d'investir dans une chambre en fondant leur décision sur la fiscalité existante. J'ai donc déposé un amendement pour décaler à 2030 la suppression des avantages fiscaux, pour les seuls propriétaires ayant déjà acquis leur chambre à la date de promulgation de la proposition de loi.

L'avantage fiscal consenti pour l'acquisition de chambres à la découpe est une dépense publique injustifiée et inutile, qui fragilise les établissements et détourne certains gestionnaires d'EHPAD privés de l'objet de l'autorisation d'exploitation qui leur a été attribuée gratuitement, à savoir l'accueil des personnes âgées dépendantes et fragiles. Investir dans un EHPAD n'est pas un investissement comme les autres. La gestion d'un établissement médico-social est une responsabilité importante et exigeante.

L'incitation fiscale que je vous propose de supprimer est inflationniste et favorise la spéculation au détriment des personnes âgées, des petits investisseurs et du budget de l'État. Notre proposition de loi ne s'oppose pas aux investissements privés dans les EHPAD – il existe d'autres mécanismes – mais elle contribue à la réduction des dépenses de l'État et à la moralisation du secteur privé : ce sont deux bonnes raisons de la voter.

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