J'aimerais parler de l'influence au sein des médias ou dans le milieu de la culture, cette influence qu'un acteur ou un journaliste pense avoir du fait qu'il exerce un métier de « prestige ». Dans les écoles de journalisme – j'ai moi-même été dans une de ces écoles –, on nous dit que c'est un métier de privilégié et qu'il est dur d'y accéder. Les études supérieures et les concours sont très sélectifs. On ressent la pression très tôt. La réalité qu'on découvre après est beaucoup moins rose. C'est peut-être moins vrai à la télé, mais quand on démarre dans ce métier, on est la plupart du temps pigiste et donc rémunéré à la tâche. Ce qui m'est arrivé est essentiellement dû à la précarité.
Dans ces conditions en effet, il est inévitable que certaines personnes cherchent à en mettre d'autres sous leur coupe. Elles trouveront très facilement de jeunes femmes ou de jeunes hommes. J'avais 22 ans et la personne qui m'a violé a profité de ma situation de fragilité, à la fois financière, puisque je n'avais pas de contrat, et géographique puisqu'on nous dit qu'il faut bouger, faire des contrats à droite, à gauche alors qu'il est difficile de se loger à moindre prix. Cette situation de vulnérabilité fait qu'il est potentiellement plus facile de se retrouver sous emprise. Mon cas importe peu, je ne suis pas venu pour cela, mais il est important de comprendre que la plupart des jeunes qui démarrent dans le journalisme sont en situation de précarité et c'est de pire en pire. Les jeunes restent en moyenne sept ans dans le métier – cette information provient d'un livre dont la référence m'échappe pour le moment. Ils sont donc nombreux à quitter le métier assez rapidement. Les postes pour les nouvelles promotions qui sortent chaque année sont assez peu nombreux si bien que – et cela fait partie du système – les hommes agresseurs disposent d'un vivier de jeunes femmes et de jeunes hommes en alternance, en CDD, en pige, en stage dans lequel ils font leur marché. Le cas de Lionel Sanchez à Radio France est extrêmement particulier. C'est dans la presse, nous pouvons donc en parler. Il a pu sévir pendant des années – on a d'ailleurs retrouvé des vidéos pédocriminelles sur son ordinateur – avant d'être licencié. Ce cas n'est sans doute pas spécifique aux médias, mais, dans ce milieu, certaines circonstances aggravent les choses.