J'en viens à votre deuxième question : dans ces métiers, les corps sont très engagés et les ego sont exacerbés. Je le vois dans le milieu de la télévision, que je connais bien puisque je suis journaliste de télévision, mais je pense que cela vaut pour le cinéma ou le théâtre. Patrick Poivre d'Arvor comme Gérard Depardieu sont des hommes qui ont du pouvoir et de l'argent, auxquels on a tout passé très rapidement. Dans ces affaires, que nous connaissons bien, nous constatons que l'impunité démarre très tôt : ces hommes perdent le sens des réalités parce que personne n'ose rien leur dire. PPDA rassemblait 10 millions de téléspectateurs au moment où il a quitté l'antenne en 2008. Il s'agit en quelque sorte d'une prise de pouvoir : les violences sexistes et sexuelles, avant de parler de sexe, parlent de pouvoir et de domination d'un corps sur un autre. C'est ce que j'ai senti dans le bureau de PPDA lorsqu'il m'a agressée. Il a pris possession de mon corps, mais pas de mon esprit, puisque je n'étais pas du tout sous son emprise. La réputation et la notoriété des auteurs font que les gens n'osent rien dire et ne comprennent pas ce qu'il leur arrive. Je n'avais pas compris que j'avais été sexuellement agressée par PPDA. Il a fallu qu'on me le dise pour que je porte plainte. Il y a donc ce rapport au corps, à l'argent, au pouvoir. Je ne sais pas si c'était le genre de réponse que vous attendiez, mais c'est ce qui me vient spontanément.
Quant aux ego exacerbés, vous comprendrez ce que je veux dire si vous regardez le numéro de l'émission « V.I.P. » de la chaîne KTO – où j'ai reçu plus de 600 personnalités en quinze ans – consacrés à PPDA. Il ne parle que de lui. Certes, c'est le principe de l'émission, mais il y a plusieurs manières de parler de soi. Il a brodé sa légende, dans une insincérité totale. Nous nous sommes d'ailleurs rendu compte plus tard qu'il a beaucoup utilisé le mot « jouir ». C'était une prise de possession alors que l'antenne était calme et posée et que des valeurs devaient ressortir. C'est l'émission la plus ratée de ma carrière. La prise de possession peut se faire à l'antenne, elle peut aussi se faire par exemple au théâtre, par le public qui applaudit.