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Intervention de Iris Brey

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 15h30
Commission d'enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

Iris Brey, autrice et réalisatrice :

Dans le cadre des cours de cinéma que j'ai donnés à New York University et à l'université de Californie, j'ai indiqué publiquement ne plus vouloir enseigner les œuvres d'hommes accusés de viol, ce qui, je le sais, choque beaucoup en France. Pourtant, enseigner, c'est sélectionner un corpus de dix à quinze films qu'on mettra au programme pendant un semestre : c'est choisir qui mettre à l'honneur. Or, dès lors qu'on s'éloigne du canon et qu'on se demande comment il a été formé et par qui, on découvre des centaines de réalisatrices et de films extraordinaires. Quand on se détourne des agresseurs, on trouve simplement des voix qui ont été ignorées, invisibilisées, parce qu'elles émanaient de femmes ou de personnes minorisées.

Notre culture gagnerait évidemment à être enrichie par la mise en lumière de ces voix-là, par la programmation de ces films-là, par la mise en avant de toutes ces réalisatrices oubliées. J'ai écrit Le Regard féminin en 2020 ; depuis, j'ai découvert d'autres films, d'autres textes théoriques qui n'ont pas été traduits, voire pas publiés.

Je pense par exemple aux textes théoriques de Germaine Dulac, qui a travaillé la question « qu'est-ce que le cinéma ? » dans les années 1920 – alors qu'on l'attribue à André Bazin, qui écrivait dans les années 1950 – et qui a aussi réalisé le premier film surréaliste, avant Buñuel. Le nom d'Alice Guy commence à émerger, grâce à d'autres féministes et au prix Alice-Guy, mais c'est fou que son nom ne soit pas connu de tous et de toutes, alors que celui des frères Lumière et de Méliès l'est.

Ce moment où on commence à comprendre l'invisibilisation de ces femmes – à des fins qu'on peut dire politiques puisqu'il s'agit simplement de mettre des hommes en avant – est à la fois dévastateur et émancipateur : il nous donne envie d'aller vers d'autres récits, qui eux nous racontent. On pense que #MeToo est un mouvement contemporain. Mais ces questions sont déjà au début du cinéma ! Les rapports entre hommes et femmes sont à la base de la fiction. Alice Guy entre en cinéma pour demander – avec son premier film, La Fée aux choux – ce que c'est qu'une femme, pour parler des conséquences du féminisme en 1906. Dès 1920, les films de Germaine Dulac racontent l'hétérosexualité comme régime social et politique. En 1927, un film russe d'Olga Preobrajenskaïa montre les conséquences d'un viol : une jeune femme se suicide après avoir été violée par son beau-père. Tout est déjà là ! Ces images existent ; elles ont simplement été occultées, ou moins mises en valeur que d'autres.

Ne vous inquiétez pas pour ces hommes, ces « génies » accusés de viol : jusqu'à aujourd'hui, aucune carrière n'a jamais été brisée – j'ai appris que Depardieu reprenait un tournage bientôt. Et regardez du côté des femmes.

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