En effet, mais pourquoi personne ne le fait-il en France ? Parce que cette manière de procéder donne plus de pouvoir aux comédiennes : tout à coup, elles ont voix au chapitre sur la manière dont elles peuvent agir avec leur corps. En leur donnant la possibilité de dire non, je leur donne du pouvoir.
La coordination d'intimité n'est, selon moi, rien d'autre qu'une réflexion sur le pouvoir. Elle ne met nullement en danger les comédiens et comédiennes. Je pense souvent à Maria Schneider sur le tournage du Dernier Tango à Paris : que se passe-t-il dans la tête d'un réalisateur pour qu'il décide, un matin, en beurrant sa tartine, d'utiliser du beurre dans une scène sans en avertir la comédienne ? On sait combien le fait d'être considéré comme un objet, que ce soit dans la vie réelle ou sur un plateau, a des conséquences psychiques sur une vie entière. C'est d'ailleurs la définition du viol : ne plus considérer la personne en face de soi comme un être humain, mais comme un objet qu'on peut prendre.
Sur un plateau, on est face à des personnes vulnérables, qui se mettent au service d'un travail artistique. Il faut donc se rendre compte qu'elles sont des êtres humains et non des objets qu'on peut utiliser à sa guise, selon ses désirs. Dès lors que les comédiennes estiment se mettre en danger, que ce soit physiquement ou mentalement, il est de notre devoir et de notre responsabilité de prendre en compte leur ressenti et de créer des espaces où elles peuvent travailler sereinement – parce qu'il s'agit bien de travail, et non de la vraie vie, où de telles scènes ne devraient de toute façon pas arriver non plus.