Le milieu théâtral a évidemment des spécificités, comme ceux du cinéma et de l'armée, mais globalement, on retrouve le même système à tous les niveaux de la société : des hiérarchies, des violences systémiques, le corps des femmes dont on peut disposer, comme on l'a toujours fait. Heureusement, de nombreuses ressources expliquent désormais ces phénomènes sur les plans sociologique, historique, éthique et politique. Il est intéressant de s'y référer pour comprendre qu'il ne s'agit pas de petites chapelles en opposition : elles se complètent et permettent de mieux établir l'ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.
C'est devenu un sujet de réflexion dans les écoles, comme dans le débat public de manière générale, ce qui entraîne des évolutions. Il n'y a pas moins de violence, mais les étudiants ont conscience que ce qu'ils sont en train de vivre n'est pas acceptable. Or ce n'était pas le cas à mon époque. Les choses changent, parce que quand les élèves font face à des comportements déviants – violence verbale et humiliation comme violences sexuelles –, ils disent non. Ils se fédèrent. Parfois, ils le font avec leur direction, mais souvent face à elle, comme s'ils étaient responsables de leur propre sécurité. Ce n'est pas normal. Dans ce domaine, nous avons besoin de relais.
Les coordonnateurs d'intimité peuvent être utiles, comme tout ce qui peut faire barrage à la violence, tout ce qui peut objectiver des pratiques et les rendre officielles. Souvent, on dévoie nos paroles, en affirmant qu'on ne peut plus rien faire, qu'on ne peut plus rien dire, qu'on ne pourra plus créer. En fait, si on organise des conditions de travail sécurisées, bienfaisantes pour tous, tout le monde s'y retrouvera et les œuvres s'en porteront mieux.