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Intervention de Sébastien Philippe

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 18h30
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Sébastien Philippe, enseignant-chercheur à l'université de Princeton :

Pour préparer cette audition j'ai relu tout ce que j'ai écrit, ainsi que mes notes – j'en ai une quantité astronomique –, pour essayer de comprendre les tenants et aboutissants de la procédure d'indemnisation.

L'essai Centaure a contaminé toutes les îles du Vent et toutes les îles Sous-le-Vent, dont Tahiti. Or le mécanisme d'indemnisation a réduit cette expérience collective à un combat personnel des malades du cancer, pour qui suivre cette procédure représente déjà une immense souffrance. Une barrière administrative a été placée devant ces gens, vis-à-vis desquels le Civen utilise des données empreintes d'imprécision et d'incertitude.

Le fait est qu'on ne peut pas démontrer que les personnes qui résidaient à Tahiti lors de l'essai Centaure ont reçu une dose strictement inférieure à 1 mSv. Vous avez raison, madame la rapporteure : nous ne savons pas où ces personnes se trouvaient exactement lors de l'essai, ni ce qu'elles ont mangé et bu. Par souci d'honnêteté, ces éléments sont à prendre en compte. La charge de la preuve incombe à l'État, et elle est donc insuffisante pour attester qu'un demandeur se trouve sous le seuil d'indemnisation. Toutes les personnes qui vivaient à Tahiti lors de l'essai et qui souffrent de l'une des vingt-trois maladies reconnues devraient avoir droit à une indemnisation.

Partir de ce principe permettrait d'ailleurs de créer une procédure collective d'information et d'éviter que les malades ne se lancent seuls dans le combat de la procédure d'indemnisation. En étant avertis et formés, les médecins et les travailleurs sociaux seraient à même d'accompagner les résidents de cette époque aujourd'hui atteints d'une maladie. La procédure elle-même serait nettement plus simple et ne s'apparenterait plus, j'y reviens, à une démarche devant les tribunaux.

À l'heure actuelle, sans tenir compte de l'incertitude et en se trompant dans le calcul de certaines valeurs, on refuse l'indemnisation à une personne ayant reçu une dose de 0,85 ou de 0,87 mSv. Pour contester une décision du Civen, il faut alors saisir le tribunal administratif, et si la décision est à nouveau négative, se porter davant la cour d'appel administrative, puis, le cas échéant, le Conseil d'État. Les personnes atteintes d'un cancer à qui on dit « non » de cette manière, que feront-elles ?

Les réponses du Civen aux demandes d'indemnisation témoignent de cette situation, sachant que les données sur lesquelles il s'appuie – c'est écrit – ont été validées par l'Agence internationale de l'énergie atomique, soit la plus haute autorité scientifique en matière nucléaire. Que faites-vous si vous vivez sur un atoll, que vous avez un cancer et qu'on vous envoie une réponse négative s'appuyant sur des données validées par tous les grands scientifiques de ce monde, à Vienne ? Comment répondre à cela, surtout quand ce n'est en fait pas vrai ?

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