Pour conclure cette audition, je souhaitais vous entendre sur la dimension sociétale, que nous n'avons pas encore abordée, mais que vous évoquez dans votre livre. En effet, si l'installation et les opérations du CEP, c'est-à-dire les essais nucléaires, ont avant tout eu des conséquences sanitaires, elles soulèvent également des questions sociétales et environnementales, moins souvent mises en avant.
Par ailleurs je tenais à vous remercier, monsieur Statius, madame Thomin, d'avoir parlé des gens. Il faut se rappeler que ce sont des personnes malades, diminuées, qui déposent des demandes d'indemnisation et qui, aidées par leur famille – dont plusieurs membres peuvent être malades –, entrent dans un parcours du combattant.
J'ajoute qu'il y a des difficultés dont on ne parle pas. Je pense aux Polynésiens qui, en tant que personnels civils, ont participé aux opérations du CEP, sur un site nucléaire ou non. Ces personnes hésitent à demander une indemnisation, ne s'en sentant pas dignes ou ressentant une forme de honte. Elles se sentent à la fois auteurs et victimes, et j'aurais aussi aimé vous entendre sur ce point.
Enfin, je souhaitais revenir sur la question des doses et des seuils, qui me semblent relever d'une grande approximation. Les critères de la loi Morin sont pourtant clairs, celle-ci ayant fixé une période, avec un début et une fin, et une carte géographique – même si nous avons vu qu'il y a beaucoup à dire à son sujet. Vous parliez de probabilité, mais le Civen ne regarde que les informations inscrites dans les dossiers ! Ainsi, un résident de Mahina faisant état d'une certaine dose sera déclaré victime, ou non, sur ces seuls faits, alors qu'ils sont approximatifs.
Le seuil de 1 mSv concerne les populations civiles qui travaillent dans un centre médical ou dans une centrale nucléaire, mais nous l'appliquons aussi aux Polynésiens, en considérant leur lieu de résidence. Cependant, une personne résidant à Pirae y était-elle vraiment le 17 juillet 1974 ? C'est la période des vacances scolaires et les habitants de villes comme celle-ci, ou comme Papeete, se rendent souvent sur la presqu'île pour voir leurs familles. Je le répète : la loi de 2010 semble comprendre des critères précis, mais c'est tout l'inverse, et je souhaitais aussi avoir votre sentiment à ce propos.