Permettez-moi de faire une remarque liminaire avant que Sébastien n'aborde votre question un peu plus dans le détail. Les 2 000 pages de documents déclassifiés peuvent sembler énormes, mais la commission de déclassification, créée à la suite de la table ronde sur le nucléaire convoquée par le Président de la République, a identifié des kilomètres de linéaires de documents.
Notre travail est contraint notamment par le fait que nous ne disposons pas de l'ensemble des rapports de tir ayant eu lieu lors des essais atmosphériques. Ces rapports suivent le même schéma : un rapport « père » – ou « mère », peu importe – est rédigé par le SMSR et le SMCB, les deux services mixtes de l'armée et du CEA, avant d'être traduits en fonction des différents interlocuteurs – direction des centres d'expérimentations nucléaires (Dircen), CEP ou d'autres instances situées plus haut dans l'appareil politique de l'État. Nous disposons souvent du premier rapport et de ses traductions, mais nous ne disposons pas de l'intégralité de tous ces rapports.
Nous avons ainsi été bloqués, par exemple, pour les essais Pallas et Sirius, par le manque de données de comparaison en l'absence des rapports de tir, mais également des rapports d'expertise du CEA, qui n'a fait, à notre connaissance, qu'une nouvelle estimation des doses pour les six essais les plus importants.
On peut penser ce que l'on veut de l'effort de déclassification de l'État, mais il est indéniable concernant le ministère des armées et ses composantes, mais aussi le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. En revanche, je ne crois pas que la commission de déclassification ait visité les installations du CEA et, à ma connaissance, il n'a déposé qu'une centaine de documents sur le site Mémoire des hommes et nombre de ces documents sont les nôtres. Nous le savons avec certitude car certains contiennent des notes de Sébastien. Par ailleurs, un de ces documents – intéressant et dramatique en même temps –, concernant la mesure de la contamination des citernes d'eau à Tureia en 1971, contient une liste d'enfants de moins de 7 ans pour lesquels l'impact radiologique pouvait être important. Nous avons décidé de recouvrir ces noms de bandes noires pour qu'ils ne soient pas divulgués sur la place publique. Ce document a été publié tel quel, avec ces bandes noires, sur le site Mémoire des hommes.