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Intervention de Tomas Statius

Réunion du mardi 28 mai 2024 à 18h30
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Tomas Statius, journaliste d'investigation :

Vous mentionnez, dans le questionnaire qui nous a été transmis, que le CEA a indiqué avoir intégré la consommation d'eau de boisson à la suite de l'essai Aldébaran de 1966. Nous nous sommes rendu compte avec l'étude des documents de 2006 – je m'inclus, même si c'est Sébastien qui est l'expert en la matière – de ce sur quoi étaient assises les hypothèses de calcul du CEA pour déterminer la dose d'exposition. La question de la consommation d'eau est un facteur assez important en matière de contamination – Sébastien vous l'expliquera bien mieux que moi – car en Polynésie, c'est essentiellement de contamination interne qu'il s'agit, par ce qu'on mange et ce qu'on boit.

Or, s'agissant donc du cas précis de l'essai Aldébaran, le CEA s'appuie sur deux items en ce qui concerne l'eau : l'eau de rivière, à côté du village de Rikitea, à Mangareva, l'île principale de l'archipel des îles Gambier, et l'eau en bouteille. Nous avons vu, grâce à l'étude de rapports de l'Orstom (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer), qui était un institut spécialisé sur l'eau, et de l'Insee, portant sur la consommation d'eau en Polynésie française à l'époque, que dans certaines parties de l'île, pas nécessairement à Rikitea, mais dans des villages situés un peu plus loin, comme Taku, de l'autre côté de Mangareva, des gens avaient encore des citernes de récupération d'eau de pluie sur leurs toits. Prosaïquement, quand il pleut, l'eau ruisselle et remplit la citerne.

Nous avons trouvé dans les documents déclassifiés certaines valeurs pour l'eau de pluie, chargée de poussière – on imagine que les militaires avaient une petite citerne à côté du bunker où ils réalisaient les mesures. Il nous a paru plus juste, à partir de là, d'inclure ces valeurs « de citerne » afin de calculer les doses, d'autant que, même si cela n'a de valeur que celle d'un témoignage, j'avais interviewé des témoins de l'époque à ce sujet lors de mon travail de terrain, mené pendant un an. Le faisceau de preuves, provenant de l'Insee, de l'Orstom et du CEA, nous semblait suffisant pour produire une estimation de dose incluant la question de l'eau de pluie. Le CEA nous a répondu qu'il l'intégrait, mais qu'elle tombait dans les rivières – l'eau de pluie au niveau des citernes n'était donc pas incluse en tant que telle par le CEA.

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