Je me méfie de la distinction entre « bonne » et « mauvaise » dette, même si les économistes ont tendance à estimer que la dette qui finance les investissements est une « bonne » dette, par opposition à la dette dévolue au fonctionnement. Certains investissements ne servent strictement à rien pour la croissance future tandis que certaines dépenses de fonctionnement – par exemple les dépenses de formation – sont autant de dépenses d'avenir.
Quel est le niveau excessif de la dette ? Nous ne le savons pas. Les économistes sont incapables de dire quel est le niveau de dette à partir duquel les créanciers commencent à paniquer. Le Japon n'a pas de problème à se refinancer avec une dette au-dessus de 200 % du PIB, d'autres pays ont eu des difficultés avec des dettes inférieures à 60 % du PIB. Ces éléments dépendent de facteurs parfois très subjectifs, liés aux conditions spécifiques à chaque pays, à chaque période. En revanche, la littérature économique s'accorde à dire qu'un État doit être capable de montrer que la dette publique est sous contrôle. De manière mathématique, cela se traduit par la nécessité que la dette se stabilise en pourcentage du PIB, sur une moyenne période.
Ensuite, comme je l'indiquais précédemment, je suis keynésien, mais à court terme. À court terme, le déficit et donc l'endettement entraînent des effets généralement favorables sur l'activité, mais ils n'ont quasiment aucun effet à moyen et long termes. En théorie, l'effet d'éviction signifie que si le déficit est plus important, toutes choses égales par ailleurs, il a tendance à augmenter les taux d'intérêt et donc à diminuer l'investissement privé. En pratique, cela demeure difficile à mettre en évidence. Selon moi, cet effet d'éviction est quasi nul dans la zone euro.
Un autre facteur mentionné dans la littérature économique pourrait être plus important. Il s'agit des effets dits ricardiens : lorsque le déficit augmente, les ménages anticipent une future hausse des impôts et constituent donc une épargne de prévoyance. Je n'exclus pas qu'une partie du taux d'épargne élevé que nous connaissons s'explique par ce mécanisme, sans être en mesure de le confirmer.
Ensuite, d'une certaine manière, l'Italie nous protège : si un pays devait être attaqué sur les marchés, il s'agirait sans doute d'abord de l'Italie. Par ailleurs, il est difficile de mesurer l'ampleur comparative des dépenses de crise engagées par nos voisins. J'ai malgré tout l'impression qu'elles sont comparables, voire que les autres pays ont plutôt dépensé un peu plus que nous.