L'écart entre le déficit public inscrit dans la loi de finances de fin de gestion et le déficit finalement affiché par l'Insee en mars de l'année suivante ne dépasse généralement pas 0,3 point de PIB, ce qui est assez normal ou en tout cas explicable. Aux mois d'octobre et novembre, quand les services du ministère des finances préparent le projet de loi de finances de fin de gestion, il demeure encore des incertitudes, dont deux sont systématiques chaque année. Il s'agit d'une part du dernier acompte d'impôt sur les sociétés (IS), qui est versé le 15 décembre et qui est très fluctuant et, à mon avis, quasiment imprévisible ; et d'autre part de l'investissement des collectivités locales, très concentré sur le dernier trimestre et dont les remontées sont assez tardives. Chaque année, il existe également des causes spécifiques. En 2023, il y avait par exemple le prélèvement sur les rentes intramarginales des fournisseurs d'énergie. Au-delà de 0,3 %, il convient de s'interroger.
À mon époque, tous les mois, la direction générale du Trésor et la direction du budget adressaient une note au ministre en lui faisant un point sur l'« atterrissage » de fin de gestion. S'agissant de 2023, je pense que les services du ministère ont bien constaté, vers le mois de décembre, que le déficit budgétaire ne serait pas de 4,9 points de PIB, mais plutôt de 5,2 %, et que la croissance fléchissait. Sans disposer d'informations particulières, j'imagine que le ministre de l'économie a hésité à le faire savoir ; parce que si cela avait été su, il aurait alors fallu remettre en cause les prévisions de recettes fiscales de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Compte tenu des circonstances du vote de cette loi de finances initiale, je comprends que le ministre de l'économie ait hésité à modifier l'équilibre de la LFI pour 2024.
Dans les années 1993-1997, j'appartenais effectivement à la sous-direction chargée des prévisions de finances publiques. Il existait alors, et je pense que c'est toujours le cas, deux types de prévisions : les prévisions techniques et les prévisions dites « normées » des comptes de présentation. Les prévisions techniques ont ainsi toujours été beaucoup plus pessimistes que les prévisions officielles. J'ai d'ailleurs pu le constater à l'occasion des audits demandés à la Cour des comptes en 2002 et 2012. En effet, lorsque j'étais chargé de préparer le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, je n'ai jamais obtenu les prévisions techniques du Trésor, ni du budget en 2002. En revanche, je les ai reçues en 2012, en raison du changement de gouvernement. Je ne travaille plus à la Cour des comptes depuis 2016, mais à la lecture du rapport d'audit de la Cour des comptes de 2017, je présume que les auditeurs ont également eu accès aux prévisions techniques, ce qui me laisse penser qu'ils n'y ont peut-être pas accès en dehors de ces périodes d'alternance.