Le sujet des concours publics nécessite en effet quelques précisions, pour comprendre comment se construit un projet autoroutier tout au long de sa vie. Lors de l'enquête publique préalable à une déclaration d'utilité publique (DUP°, l'État doit préciser les modalités de financement de l'ouvrage. C'est aussi à ce moment qu'il se rapproche des collectivités territoriales, de manière à définir la façon dont le projet se fera, c'est-à-dire dont les concours publics seront apportés.
À cette étape, l'approche est prudente, parce que, d'une part, il est plus facile d'annoncer de bonnes nouvelles que de mauvaises aux collectivités précitées et que, d'autre part, la date et les conditions de compétition de l'appel d'offres sont changeantes. Ces projets font appel à des financements privés externes, comme des financements bancaires. Les banques prêtent sur la base d'un taux, qui fait l'objet d'une opération de couverture à long terme – appelée swap – afin de déterminer une valeur fixe. Or les taux sont extrêmement variables, comme on l'a vu ces cinq dernières années. Lorsqu'un projet est déclaré d'utilité publique à la date T, la mise en concession peut être réalisée à T+1, à T+2 ou à T+3. Il est donc prudent de prendre en compte une évaluation qui ne corresponde pas exactement au taux le plus faible possible mais laisse une certaine marge de manœuvre, étant donné que le taux peut prendre 200, 300 ou 400 points de base dans des temps assez brefs. Les taux en 2018-2019 étaient compris entre 0,5 et 1 % ; aujourd'hui, ils sont à 3,5 %, soit à 300 points de plus – je parle des taux de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à 30 ans, une donnée facile à trouver. Ces conditions financières ont un impact très important sur la subvention d'équilibre. Le montant de concours publics a été initialement estimé à 230 millions d'euros, puis il était de 220 millions avant la DUP. En effet, après l'enquête publique, il a été décidé d'ajouter un demi-diffuseur, ce qui a marginalement modifié l'estimation.
Assez classiquement, dans le cas des opérations concédées ou, sur le réseau non concédé, dans le cas des contrats de plan État-région (CPER), pour les opérations d'aménagement du réseau ferroviaire ou fluvial, il existe un cofinancement qui répartit les concours publics entre l'État et les collectivités. Pour les autoroutes concédées, la répartition la plus fréquente est de 50 % pour l'État et de 50 % pour les collectivités. Ce n'est pas réglementaire, mais c'est une pratique courante qui a eu cours pour le contournement de Strasbourg, l'A65 ou l'A19. Les clés de répartition peuvent varier. Dans le cas de l'autoroute A88, entre Falaise et Sées, la clé était de 30 % pour l'État et de 70 % pour les collectivités. Pour l'autoroute A412, qui devra relier Machilly à Thonon, la clé est de 100 % pour les collectivités. Cela dépend des accords.
Pour revenir à l'A69, l'État et les collectivités territoriales se sont chacun engagés sur la moitié des 230 millions d'euros, avant l'appel d'offres, qui n'est lancé qu'une fois que l'on est sûr d'aller au bout du projet. L'objectif de cet appel est d'obtenir l'offre la mieux-disante. Plusieurs critères sont pris en compte, dont les concours publics, – c'est la base du code de la commande publique de faire en sorte d'avoir le meilleur prix pour les collectivités – et le montant des tarifs de péage élaborés sur la base d'hypothèses formulées dans l'enquête publique. En l'occurrence, on tient compte du fait que le concessionnaire va proposer le tarif le plus faible possible, ce à quoi il est incité par les critères de l'appel d'offres.
On prend également en compte les enjeux techniques, c'est-à-dire la valeur environnementale du projet – j'ai déjà détaillé lors de ma première audition les engagements supplémentaires pris par Atosca, ainsi que la robustesse financière, soit la capacité du projet à supporter des aléas : coûts plus importants, trafics plus faibles. Le dernier élément considéré est la qualité du service à l'usager, qu'il s'agisse de la place accordée au covoiturage ou des moyens mis pour assurer l'exploitation. C'est d'après l'ensemble de ces critères que l'on détermine l'offre la mieux-disante.
Il se trouve que l'appel d'offres de l'A69 a été particulièrement performant sur les concours publics, si bien que l'on est passé de 230 millions d'euros à 23 millions d'euros, en euros constants bien sûr. Les concours publics sont indexés sur la période de construction, de la signature à la mise en service. Les tarifs de péage, quant à eux, commencent à s'indexer à la mise en service et le sont pendant toute la durée de la concession. La même clé de répartition est utilisée entre les différents index.
Comment expliquer cette baisse d'environ 200 millions d'euros ? Je vais donner des ordres de grandeur, étant donné que tous les paramètres sont liés entre eux et qu'il est parfois difficile de les distinguer les uns des autres.
D'abord, un quart de la baisse s'explique par la diminution du coût de construction proposé par Atosca par rapport au prix objectif fixé par l'État. Si la construction coûte plus cher à Atosca, c'est son risque. Les péages ne seront pas augmentés ; il n'y aura pas non plus de concours publics supplémentaires. C'est plutôt une bonne nouvelle pour tout le monde. Cela s'explique. L'emprise prévue par Atosca a été réduite par rapport au projet déclaré d'utilité publique, notamment grâce au péage en flux libre. C'est donc logique que cela coûte moins cher. Le concessionnaire a également procédé à une optimisation très fine des mouvements de terre, c'est-à-dire de sa capacité à recycler sur site les déblais pour les transformer en remblais, lui évitant de faire venir des matériaux. C'est dans son offre. Peut-être que le schéma régional des carrières a été réalisé sur la base des éléments de l'enquête publique et qu'il n'a pas été actualisé après l'offre d'Atosca ?